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Destination : 108 , Polyésie
Rêveries
« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte… »
Et je me languissais, à mon pupitre d’écolier… que les jours était longs, que le temps me paraissait infini ! Tandis que notre maître nous faisait découvrir les plus beaux vers de la poésie française, je ne pensais qu’à une chose : le retour du soleil et des prochaines vacances.
Qu’avais-je à faire de Verlaine, Hugo ou Lamartine ? Rien, rien du tout… je regardais dehors, par la fenêtre fermée, m’évadant de cette classe par la pensée…
« Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend… »
Je serais tellement mieux à pouvoir gambader, courir vers le ruisseau, traverser les prés, courir dans la forêt, accrocher mes manches aux ronces des haies et écorcher mes genoux sur les pierres des chemins. Mais non ! Il fallait que je reste là, assis, sans bouger, comme une petit garçon bien élevé ; apprendre mes leçons, savoir les réciter ; travailler avec sérieux et application, si je ne voulais pas recevoir de punitions…
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle… »
Et emprisonne d’une main de fer mes envies et mes rêves. Ah ! Que l’enfance est cruelle, assujettie aux ordres des adultes : fais ceci, fais cela ; pas comme-ci, pas comme-ça ; tiens-toi droit, ne bouge pas, sois sage et surtout, surtout, tais-toi… J’enrageais en silence et aucune poésie n’aurait pu éteindre cette colère que je sentais monter en moi…
« Chante pour moi, Muse, l’homme aux mille tours… »
Mais cet homme n’a-t-il jamais été lui-même un enfant ? Comment aurait-il pu devenir si rusé, si malin, si intelligent, sans avoir exploré ce qu’il y avait autour de lui ? Ulysse était-il un enfant sage et obéissant ? Ou préférait-il comme moi s’enfuir en courant pour découvrir ce qui se cache sous un caillou, derrière un arbre, dans une rivière ou sur un tas de foin ?
« C’est un trou de verdure où chante une rivière… »
Et c’est exactement cela, mon paradis ! Mon refuge secret, que je ne partage avec personne, et que je ne partagerai jamais, sauf peut-être avec Léonie… Quand je suis là-bas, le temps n’existe plus… je construis des cabanes avec trois bouts de bois, je fabrique des moulins qui tournent dans l’eau du ruisseau, je pêche des gardons et des têtards, que je relâche ensuite. Qu’ai-je besoin de grammaire et de géométrie pour vivre ?
« Puisque l’aube grandit, puisque voici l’Aurore… »
Ici, c’est plutôt le crépuscule qui s’annonce… de lourds nuages gris s’amoncellent et soudain, crèvent avec fracas. Une pluie diluvienne s’abat sur les carreaux : il ne manquait plus que ça ! On ne va même pas pouvoir sortit pour la récré… le maitre va nous garder dans la classe, nous permettant juste de nous lever pour nous dégourdir les jambes. Peuh ! Tourner en rond dans une salle rectangle… suis-je un poisson dans un bocal ? Non, je me sens plutôt comme un lion en cage !
« Rappelle-toi Barbara,
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là… »
Et dire qu’il y en a qui en font tout un poème ! Moi, le mauvais temps m’irrite et me chagrine, il est comme un voleur de soleil qui s’invite sans qu’on lui ai rien demandé… Je sais bien que l’eau est nécessaire pour nourrir les plantes et abreuver les bêtes mais il y a pluie et pluie ! Une petite giboulée de printemps, une averse d’été pour se rafraichir, suffiraient amplement mais non, en hiver, c’est le vent, les bourrasques, les pluies qui n’en finissent pas de claquer contre le toit toute la nuit, qui nous trempent sur le chemin de l’école, qui remplissent les sentiers de boue et de flaques maronnasses…
Souviens-t-en quelquefois aux instants de folie
De jeunesse et d’amour et d’éclatante ardeur… »
Je repense souvent à cet enfant que j’étais, indocile, impatient, attendant chaque jour qu’il soit enfin fini. Aujourd’hui je me dis que ce temps a passé vite, et qu’il me semblait long… L’enfant que j’étais alors, me trouble quelquefois mais c’est peut-être plutôt, l’adulte de raison, qui regarde le passé et ne le comprend pas !