Destination : 14 , Destination maudite
On est tous fascinés...
On est tous fasciné par Dr Jekyl et Mr Hyde. Moi c'est le mythe de Janus. Ce
mythe me mobilise, me fait même peur. Peur car justement, pour moi, c'en n'est
pas un.
Cette étonnante matière grise qui se trouve au fond de ma boîte cranienne, et
toutes ses vertus, ont jadis été mon côté lumineux. Pas un jour sans qu'on en
parle autour de moi. Pas un jour sans qu'on en fasse l'éloge, sans qu'on
essaie de la mettre à l'épreuve afin de tester sa valeur. Extase, sympathie,
louanges, conseils, je croyais presque que j'allais devoir signer des autographes
ou dédicacer des photos! Pas un jour aussi sans que certains mauvais esprits
essaient de l'usurper, de la prendre en otage : "ce sont les risques du
métier" je me disais. Mais cette matière grise est...était néanmoins cette lumière
qui me réchauffait, qui attirait les gens autour de moi. Bref, je me suis
sentie aimée. Mais hélas, les belles choses ne durent pas longtemps. Vive la
nostalgie. Tout s'est passé si vite, trop vite pour moi. Aujourd'hui, c'est le
néant. Grisée par le succès? Je ne le pense pas mais en tout cas, c'est une
histoire qui tourne autour du gris. La lumière s'est brusquement éteinte - c'est cet
entêtement à ne pas vouloir croire les autres, même ceux qui m'aiment. C'est
cet entêtement à douter. A force de dévaloriser les gens qui m'aiment en
doutant sans cesse, je me suis détruite. Auto-dénigrement, auto-critique, suicides
intellectuelle et identitaire,... Mon cerveau est
fatigué...épuisé...exténué...non! Pollué. Auto-pollution. Son pouvoir s'est retourné contre moi, à cause de
mon obstination négative. Mon crâne sonne désormais creux. Que faire de cet
objet? Je ne suis plus personne. Plus personne ne me reconnaît dans la rue,
tout le monde passe à côté, sans que je puisse croiser leur regard. On ne m'en
donne plus la chance, le privilège. Bref, plus personne ne m'aime - ça
m'apprendra. Mais que dis-je! Je n'ai même plus la faculté d'apprendre. Je passe ma vie
à m'ennuyer, devant la télé (une autre boîte vide). Je suis passée de la
lumière à la léthargie.
