Destination : 22 , Expliquez le monde


Le chant de l'olivier

Au pays des oliviers où chante la cigale, on raconte depuis des siècles, la naissance d'un instrument dont la musique avait le pouvoir de changer les cours de pierre en cours de chair.



Quand l'enfant en jouait, le figuier se mettait à pleurer un lait tout parfumé et les oiseaux s'arrêtaient de voler, aveuglés par une rosée de larmes plein les yeux ; tout alentour se taisait, immobilisé dans



L'écoute de ce chant ! Une pluie de printemps passait sur l'aloès et l'oranger, le vent frémissait sur les collines , et les saules croulaient en pleurs, mouillant la terre desséchée.



D'ailleurs, bien loin de là, sur la terre des caribous, la rumeur populaire a rapporté que c'est après avoir ouï les merveilleux gémissements de l'instrument que les érables avaient commencé à épancher de l'eau sucrée !



Les cours qui se laissaient toucher par la suavité de ces douces harmonies, se trempaient d'amour et de grâce ; c'était une sorte de complainte renversante et poignante avec des accents d'une infinie tendresse qui vous fissurait l'être de haut en bas. Même les plus endurcis se répandaient en vives ondées !



Régnait alors en ce temps-là un méchant roi au cour d'acier qui voulait dominer sur tout l'univers. Il entendit parler du fameux instrument aux puissants pouvoirs, et bien évidemment, voulut l'avoir pour possession dans les plus brefs délais.



Qu'on découvre le secret de cet objet " magique "dans le but de mieux assujettir le peuple, entrait dans son plan naturellement, mais surtout, il pouvait devenir une source de gains ! Car le bruit courait que sa musique " enrichissait ".



Comment donc trouver l'enfant aux notes d'or, car celui-ci allait de lieu en lieu, en troubadour infatigable, et partout ne faisait que passer !



Le roi fit envoyer ses espions et ses sbires dans tout le royaume et promit une récompense à celui qui pourrait lui apporter sur un plateau



Le mystérieux outil à faire des sons nouveaux.



Pendant ce temps, l'enfant ne se doutait de rien, et ses pas



continuaient de verser l'abondance. Il jouait pour tous ceux qu'il croisait, et ceux qui l'écoutaient, avaient le cour fondu.



Alors qu'il dansait sur le chemin, un cavalier du roi l'aperçut qui venait face à lui, et lui cria : " arrête-toi, petit ! "



L'enfant surpris, stoppa net et croisa le regard de l'homme sur sa haute monture. " alors, à ce qu'il paraît, tu te prends pour un virtuose de la voie publique ? "



" si tu veux, je peux jouer pour toi. c'est quoi un virtuose ? "dit l'enfant.



" surtout pas " répliqua le gaillard, " je ne suis pas là pour t'écouter, et de toutes façons, mes oreilles n'entendent que les ordres de mon roi ! et puis ta complainte, elle n'est pas officielle, elle est suspecte ! c'est pourquoi je suis là pour confisquer ton chose, ordre du roi ! "



" mais tu n'as pas le droit ! " dit l'enfant. Et au même moment, le cavalier brutalement, arracha le bien précieux de sa main, et s 'enfuit au galop avec son butin. Il espérait bien que son roi le récompenserait à la hauteur de son mérite en le nommant haut gouverneur de son royaume !



L'enfant bousculé, avait roulé sur un lit de thym et s'endormit.



A des lieux de là, le roi hurlait sur tous ses sujets présents, fou de rage ! sa colère faisait trembler les murs et brisait le silence ! " qu'est-ce que c'est que cette crécelle ? on m'a trompé ! "



Il se mit à rugir furieusement, avec des éclairs dans les yeux, et de l'écume amère au coin des lèvres qu'il avait cruelles !



Pour le calmer, on appela le service des cendres à l'ardeur apaisante.



L'eunuque de première urgence revînt avec un chaudron de braises que le roi avala une à une comme des friandises.



Quand il put nouveau parler, calmé par les charbons brûlants, il donna l'ordre d'exécuter le cavalier qui avait osé lui présenter cette fausse pièce d'où sortaient des bruits affreux et grinçants.



" on ne se moque pas de moi ! " vociféra-t-il avec ses yeux méchants.



Lorsque l'enfant s'éveilla, le soleil d'automne déclinait doucement sur le versant planté de vignes, en une symphonie de .



Mais l'enfant tout à coup se souvint ! hélas ! il ne pouvait plus jouer à cette heure du soir où la couleur est pourpre ! il se mit à marcher, désespéré, sans but droit devant lui jusqu'à la tombée de la nuit, où il



S'arrêta sous un olivier au sommet d'une colline. Il regarda l'arbre avec stupeur ! il avait au moins 2000 ans ! . il se laissa choir contre l'écorce,



Il pouvait mourir à présent, privé de son âme! oui, vraiment, sa mission s'arrêtait là ! il posa sa tête au pied de l'olivier chargé de siècles.



Alors quelque chose se produisit : il entendit comme une plainte, un chant du ciel, un son si merveilleux et qu'il connaissait bien !



Le vieil olivier produisait une musique semblable à celle de son cher compagnon disparu ! il se mit à caresser l'arbre très noble qui joua pour le consoler un chant de pur amour, et quelques gouttes d'huile coulèrent de ses " oliveines " . L'enfant pleura beaucoup de joie et de reconnaissance jusqu'au petit matin.



Cependant, l'armée du roi s'était remise en route cherchant l'enfant aux notes d'or, et l'un des bataillons passa par là.



" regardez cet enfant au pied de l'olivier, c'est lui ! saisissez-le ! "



dit le chef. L'enfant fut soulevé de terre dans un nuage de poussière, les cavaliers s'élancèrent et l'emportèrent vers la forteresse.



Le roi dévisagea l'enfant : " Ah ! Ah !Ah ! c'est donc toi



ce misérable faiseur de pleurnichards ! "



L'enfant frissonna de crainte en entendant la voix terrible qui grondait sur lui. " C'est quoi cette horrible crécelle ? " reprit-il en brandissant le frêle instrument qui par miracle, n'avait point été détruit lors de sa redoutable colère.



" Si tu veux, je peux jouer pour toi " dit l'enfant.



Le roi fut désarmé. On ne répondait pas au roi, comment ce petit vaurien se permettait-il de lui adresser la parole à lui, le souverain puissant dominant sur toute créature ! Mais l'enfant ne connaissait pas la dure loi des hommes. La seule loi qu'il connaissait était inscrite dans



son cour. Il s'agenouilla, sortit de sa musette un tige de saule et commença à la frotter sur l'instrument que " le Maître du monde "



lui avait jeté à la tête.



Alors des sons célestes s'élevèrent, éclatants de limpidité, bien plus beaux que les chants des sirènes ensorceleuses ! des sons capables de devérrouiller les cours les plus durs !



Le roi tituba, affaibli soudain par l'extraordinaire mélodie qui s'échappait comme un souffle divin, réveillant la passion.



" Que fais-tu là, mon enfant ? mais tu ferais pleurer un régiment ! il tomba à genoux, lui, le tyran aux yeux secs, et une première larme roula de son visage jusqu'au sol , aussitôt recueillie par son fidèle serviteur dans une coupe en or !



Toute activité avait cessé dans le palais, et même les soldats pleuraient,



Saisis d'un sentiment nouveau.



" Quand on entend cette musique, on a plus besoin d'armée " dit l'enfant.



Le cour d'acier du roi se mit à rouiller et se détériorer très vite sous la corrosion de ses pleurs, si bien que peu à peu, il laissa libérer le cour de chair se trouvant enfermé à l'intérieur. Car il s'était forgé de toutes pièces ce caractère de despote jusqu'à se retrouver totalement prisonnier de son armure de pouvoir avide.



" Maintenant, tu peux en jouer " dit l'enfant, "car on ne peut en jouer qu'avec le cour ! "



" Cet instrument est magnifique " répondit le roi , " dis-moi quel est son nom "



" c'est un violon " dit l'enfant, " et son histoire est comme une prière.



Il est fait d'une essence précieuse, dont les fruits donnent l'huile. On l'a tiré d'un arbre chargé de siècles, au sommet du mont des oliviers, il y a bien longtemps. "



. Le roi se mit à jouer pour son royaume tout entier et ceux qui l'entendaient étaient tout transformés !



On ne peut résister à la voix de l'amour.

Monique

Monique