Destination : 34 , Sous le soleil d'Ailleurs
Sous la mer d'Ailleurs
Pas plus de trente mètres. Nous étions tous bien d’accord. Le départ était prévu pour six heures.
La mer était d’huile, la palanquée de bonne humeur. La mer Rouge, bleue…et le soleil à l’horizon.
Jean-Pierre avait oublié son détendeur. Sur le ponton, nous attendions.
Vers six heures dix, nous sautions dans l’eau. Ah, les vacances ! Enfin le plaisir retrouvé. Un signe distinctif et nous descendons dans le silence.
Nous étions trois. Bien-être du fœtus. Bonheur devant la beauté du site. Couleurs à foison… Ah, l’élément ! Hors du temps.
Au-dessus de nous, le vent s’était levé. Il ne jouait plus avec les vagues. La violence s’installa, à notre insu. Notre plongée dura cinquante minutes. Ce fut
extraordinaire, extraterrestre, intramarin. La remontée, toute en douceur. Le choc fut d’autant plus brutal. La mer se débattait. Elle n’en pouvait plus,
disloquée, déchirée, hors d’elle. Arrivés à la surface, nous n’étions que de petits bouts de bois, fracassés contre la coque du bateau arrimé à la base. Dans
un souffle puissant, une main nous prit. Celle de la houle ! Loin d’être salvatrice, elle nous entraîna sur une crête de trois mètres, pour nous projeter droit
sur notre destin. J’ai eu de la chance. Guy aussi. Jean-Pierre a rompu ses os sur le pilier de l’embarcadère.
Aujourd’hui, au plus profond de moi, j’ai peur.
Quand nous allons à la piscine avec les enfants, l’eau me fait vomir. Dès que les jeunes plongent, je scrute leur remontée. J’essaie de ne pas transmettre
cette inquiétude mortelle. Tout reste en moi. Je n’ai pas jeté ma combinaison de plongée, ni mon gilet. Un jour, je transcenderai ce deuil. Je réapprivoiserai
la mer. Jean-Pierre était un ami.
Demain, nous partons pour la mer Rouge. Je suis paralysée. Dans l’avion, je me cramponne à mon siège. Aéroport, car… hôtel.
Ce soir je plonge !