Destination : 161 , Courses de rentrée
Page blanche
La fraîcheur de l'air ne fait pas penser au mois d'août. Je frissonne. La tête renversée sur ma chaise longue, je repense à notre arrivée. Et à son départ. Pour nos premières vacances seuls, nous avons choisi le littoral. La côte royannaise nous envoute dès qu'on la découvre. Très vite, les ballades et la plage sont notre quotidien.
Les mots sont là, n'attendant que mon bon vouloir pour apparaître. Par lâcheté, je décide de les ignorer. Comme de jeunes mariés, nous déambulons main dans la main, tendre complicité, délicieux instants. Devant l'immensité bleutée, je me sens si petite. Je dois écrire, jeter sur papier tout ce qui m'étouffe mais je résiste encore. Les jours coulent doucement, sans accrocs ni heurts au sein de cette nature sauvage si souvent balayée par les vents. Mais il sait. Il connait tout de mes silences. Alors pour que je puisse éclore, il part. Preuve d'un amour infini, il choisit de s'effacer pour que je puisse naître.
Seule face à moi-même, je ne sais que faire. L'air dépose sur mes lèvres une saveur iodée. J'ai peur. Et si je m'étais trompée ? Si ce besoin d'écrire n'était qu'une illusion ? Devant une page blanche, je réunis mes pensées. Rien. Je ne peux oublier ce regard si confiant qu'il a posé sur moi. Comment ne pas le décevoir ? Je jette les mots comme des menaces. Obligation de résultat. Je ne relis pas, tout n'est que désordre. A nouveau, je me défie mais ne maîtrise rien. Sans même savoir comment, je me retrouve sur la plage où quelques vacanciers profitent des derniers rayons du soleil. Je les regarde rire, jouer, crier et dans la lumière orangée, leur cheveux prennent feu. Les mots m'échappent. Longtemps refoulés, ils prennent leur revanche. Accablée, je me fonds dans l'incandescence.
Après que le renoncement m'ait procuré un sommeil sans rêves, une ondée fait chanter les vitres et me réveille. Les gouttes glissant sur le verre semblent laver mes pensées. C'est alors que je les sens. Sans désordre aucun, ils viennent à moi, prennent corps et sans rien forcer, se couchent sur ma feuille. Tout est si naturel tout à coup. La prodigalité de mon écriture ne cesse de me surprendre. Je me laisse envahir par ce vocabulaire riche de mots jamais prononcés. Les feuilles tombent, lourdes de sens. Je me découvre enfin. Qu'importe les règles, je ne les connais pas. Seule compte le rythme.
Certains diront que je m'occupe, d'autre que j'écris. Aucun n'aura idée de ce que je fais vraiment. Les mots s'offrent à moi comme autant de pansements sur mon âme blessée. Thérapie littéraire ? Peu importe ! Seul le résultat compte. Les chaînes qui m'enserraient se relâchent peu à peu. Je ne laisserait plus les doutes m'étouffer.
Rassurée, je peux alors quitter mon havre de paix. Armée de syllabes, je me sens protégée. Je lèche mes lèvres et souris : leur saveur iodée me rappellera toujours ce cadre enchanteur où, enfin, je suis née.