Destination : 164 , Toi le sètois
Retouche à une lettre de quatre sous
Elle est pour toi cette chanson Au pays de cocagne
Toi le poète d’exception Le vingt-deux septembre
Très cher Georges
Au boulevard du temps qui passe, nombreux sont les artistes qui aimeraient avoir votre mauvaise réputation. Vos copains d’abord, tonton Nestor, le vieux Léon, l’oncle Archibald, et même le petit joueur de flûteau, ce sale petit bonhomme. Les copines aussi : la brave Margot, Fernande, Colombine, Mélanie, Pénélope, et même la femme d’Hector ! Mais bien évidemment, avec votre talent, la concurrence est déloyale.
Il n’empêche qu’aujourd’hui je me réjouis puisque j’ai rendez-vous avec vous. Nous serons, si vous le voulez bien, comme ces amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics, sans savoir qu’il n’y a pas d’amour heureux. Nous irons nous baigner dans l’eau de la claire fontaine, vous savez, celle qui est auprès de mon arbre, le grand chêne aux-oiseaux-de-passage. À moins que vous ne préféreriez l’ombre du bel amandier… J’emprunterais ensuite le chapeau de Mireille et nous partirons à la chasse aux papillons. Gageons que parmi la mauvaise herbe nous trouverons une jolie fleur, lilas ou myosotis, pour égayer la ballade des cimetières que nous entamerons dès que le fantôme de la lune pointera le bout de son nez. Puis nous tenterons de voir les anneaux de Saturne, et si le temps se couvre, si l’orage nous surprend, je t’offrirais (ben oui, on peut peut-être se tutoyer, non ?), je t’offrirais un petit coin d’parapluie, un morceau du bois de mon cœur, afin que tu t’y abrites. En attendant que l’orage se calme, nous apprendrons le discours des fleurs que nous réciterons plus tard en prière aux passantes…
Puis, quand le soleil renaîtra, il nous faudra songer à rentrer. Nous emprunterons alors la route aux quatre saisons et je serais pour toi comme une sœur et tant pis pour ceux qui ne pensent pas comme nous.
Allez, embrasse-les tout là-haut, et viens maintenant ! Trompe la mort, la traîtresse. Toi qui ne voulais pas mourir pour des idées, viens donc revivre pour nous accompagner. Dieu s’il existe, ne peut pas t’garder pour lui. Allez, viens ! Il te suffit de passer le pont…
Quand les gens te verront, ils t’appelleront le revenant. Puis, comme hier, ils sortiront les roses, les bouteilles et les poignées de main. Ils feront sonner les trompettes de la renommée, et les notes de musique résonneront en ricochets jusque dans leurs cœurs. Dans les bistrots, le vin coulera à flot.
Tu n’peux pas ? Comment ça, tu n’peux pas ? Mais essaies encore ! Allez, offre-nous un arc-en-ciel d’un quart d’heure, au moins pour débuter…
Moi, je t’attends, boulevard du temps qui passe.
La petite Ève en trop