Destination : 26 , Une bouteille à la mer
Mon enfant, ma bien aimée
Mon enfant, ma bien aimée , que de malentendus entre toi et moi...
Vois-tu la paternité se découvre au fil du temps, et moi j'étais trop englué
dans mon éducation rigide pour oser exprimer, par des paroles, cette
tendresse, cet amour qu'au fond de moi je te portais, sans jamais oser te le
dire , sans savoir te les montrer .
On m'avait dit qu'un homme ça ne pleure pas , que ça doit être fort et
travailler pour faire vivre sa famille ....Alors j'ai caché ce qui en moi
pouvait ressembler à de la tendresse, une tendresse un peu rugueuse parfois
, mais bien présente ....et j'ai travaillé dur pour vous faire vivre, vous
donner tout ce que je pouvais vous donner ....Je croyais que c'était ça
être un père , que ça suffisait !
J'ai confondu force et violence, et lorsque j'étais démuni face à vos
bêtises d'enfants, je n'ai trouvé que la violence en moi pour cacher ma
peur, ma terrible peur de vous voir mal tourner .
Personne ne m'avait appris que l'amour, le pardon , peuvent faire des
merveilles ....
Et puis à l'âge où l'on perd sa force , où tombent les murailles de
protection, la chienne de vie ne m'a pas laissé le temps trouver les mots
pour te dire un je t'aime : la maladie m'a englué dans le silence,
l'immobilité et l'absence , mais tu étais là, silencieuse et présente ,
faisant pas à pas ce long chemin silencieux et solitaire vers mon coeur , te
glissant dans mes larmes pour découvrir enfin les mots si longtemps attendus
, trop longtemps tus , devenus indicibles...
Sur la rive lointaine et ultime vers laquelle je dérive doucement , sache
que je
serai là toujours près de toi, mon enfant, mon aimée , comme ce Père aimant
qui t'a toujours manqué , t'offrant à jamais cet amour que tu as su lire
dans mes yeux et mes larmes....
je t'aime .