Destination : 16 , Verlaine en filigrane


On (n’) est (pas) sérieux quand on a seize ans

On (n’) est (pas) sérieux quand on a seize ans.



Marie aujourd’hui a les cheveux blonds, le teint défait, les sanglots longs. Son corps est meurtri et sa jeunesse taguée par cette aspiration. Dans ses oreilles, des violons jouent en secret la triste sonate de l’automne, tandis que les hautbois blessent mon cœur déçu. Derrière la vitre, le jour me semble d’une langueur infinie ; je voudrais m’approcher d’elle, la rassurer, l’extraire de sa pensée monotone.

Tout suffocant et blême, je revis notre union extrême. La chaleur de mes sentiments pour elle, contraste si fort avec l’atmosphère glacée de ce couloir d’hôpital. Quand la porte s’ouvre, enfin sonne l’heure pour moi de rejoindre Marie. Je me souviens alors de notre amour et la peur m’envahit ; la peur de croiser son regard blessé. Des jours anciens se rappellent à ma mémoire, pleins de rires et d’étreintes. Je m’approche et je pleure, j’aimerais tant prendre sa douleur. Les heures s’allongent, s’étirent, et je m’en vais, poussé au vent mauvais des reproches jetés par les regards qui m’escortent et m’emportent.

Un petit être en devenir, aujourd’hui a repris sa liberté. Il reviendra, deçà, delà, à un moment plus opportun, lorsque nous serons, toi et moi, pareils à deux chevaux apprivoisés, prêts à nous embarquer sur le bateau de la parentalité. Marie, ta chair est meurtrie mais je te promets de tout faire pour poser sur ce souvenir de feuille morte, des milliers de bourgeons à éclore.



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Je suis là, dans cette chambre si froide, si bleue, si calme.



Derrière la vitre, un arbre me nargue, par dessus le toit de la maison voisine.



Je baisse alors les paupières, et dans l’instant, un enfant apparaît, un tout petit que je berce...



Moi qui rêvais un jour d’avoir la palme de la mère attentionnée, je démarre mon parcours de travers. « Pauvre cloche ! » dirait ma mère si elle savait. Elle ne saura pas. C’est mon choix. Je ne veux surtout pas de son regard qui désapprouve, je ne veux pas de ses conseils dans le ciel sombre de ma tempête. Je ne veux pas qu’on voit dans ses yeux, la honte qui transpire doucement, insidieusement.



De loin, de très loin je préfère, la main de Pierre dans la mienne, son flot de mots maladroits qui tinte comme le chant de l’oiseau sur l’arbre. J’aimerais tant qu’il voit combien me réconforte sa présence. J’ai eu si peur qu’il ne parte chanter sa plainte dans d’autres bras que les miens.



Mon Dieu, mon Dieu, que m’arrive-t-il ? J’ai joué à l’adulte, je me sens pourtant tellement enfant. Mais la vie est là qui m’ouvre ses bras. J’aimerais pouvoir y avancer et grandir, simple, tranquille, paisible…Il n’en est rien. Une rumeur, là, monte en moi, elle vient de la ville, elle me sermonne – Qu’as-tu fait, ô toi que voilà pleurant sans cesse, dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ?



- J’ai aimé, j’ai aimé, et j’aime encore. Est-ce si mal ?

griotte