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Destination : 264 , Biaisons !

Conversation biaisée

Pourquoi avais-je cherché à la retrouver ? Pourquoi avais-je voulu la revoir ? Elle, ma mère qui nous avait abandonné mon frère et moi.

« Je vous les confie, Marthe, moi je ne peux plus tricher. Je pars avec l’homme que j’aime » Elle nous avait laissé tout simplement, sans sanglots dans la voix, sans remord, sans un dernier baiser. C’est ma grand-mère qui nous avait raconté la scène. Nous étions trop petits pour nous souvenir.



Vais-je l’appeler maman ou madame ? Tant de questions se pressent sur ma langue. Est-ce que je dois lui serrer la main ?

Je l’attends dans un café confortable, silencieux. Le garçon parait glisser. Ma main tremble en levant la tasse remplie d’un thé brûlant et parfumé.



C’est elle, j’en suis certaine, qui arrive vivement en secouant la torpeur des lieux. Une femme grande, mince, des yeux fureteurs sous une tignasse bouclée d’un blond factice.

« Elisabeth n’est-ce pas. Je t’ai immédiatement reconnue tu ressembles tant à ton malheureux père. Oui, j’ai su pour sa mort. » Elle semble chasser quelque chose de gênant de la main. Elle s’assied face à moi parfaitement décontractée. « Que bois-tu ? Cela sent bon. La même chose garçon ! » Elle me sourit largement. Moi, je commence à suer. Je dois lui parler. J’ai tant de choses à savoir. « Attention ma chérie tu as tendance à l’embonpoint. Mon dieu ! tes pauvres mains, tu te ronges toujours les ongles ! Tu devrais aller consulter, à ton âge ce n’est pas normal. » Je fais disparaître une main sous la table. Une angoisse m’étreint la gorge. Essayer de lui parler. Je m’entends dire d’une voix blanche : « Pourquoi ? » Elle n’a pas entendu, elle hèle le garçon : « J’ai changé d’avis, c’est trop long, juste un déca, et un verre d’eau je suis pressée. Bel homme le garçon ? Non ? Ce n’est pas ton genre. Toi il te faut un intellectuel à lunette. Elle pousse un petit rire stupide. Tant d’années d’efforts, d’espoirs, de conflits intérieurs pour me retrouver face à cette mère clown. Je sens que je vais éclater en pleurs.

« Ma chérie je dois me sauver, Peter m’attend. Il faudra que tu fasses sa connaissance, c’est un être délicieux. Cela m’a fait grand plaisir de te revoir même brièvement » Elle m’envoie un petit baiser théâtral du bout des doigts.

Un grand vide froid m’habite.



Evelyne Willey



EVELYNE W