Destination : 181 , Quatre mensonges et une vérité


Versions contradictoires

Là, calmez-vous ma chérie et racontez-moi exactement ce qu'il s'est passé.

Les sanglots, loin d'être taris, semblèrent s'estomper et permettre à l'innocente de narrer les événements d'une voix faible.

Comme vous le savez, Maman, nous devions avec le jeune Duc faire un tour dans la campagne pour tester son tout nouveau buggy. Tout s'est merveilleusement passé et nous serions rentré à l'heure convenue si le ciel, tout à coup, n'avait pas crevé ses nuages juste au-dessus de nos têtes. Ne voulant pas nous tremper plus que nous l'étions déjà, Vincent, enfin le Duc d'ARMAND, pensa que l'on pourrait s'abriter dans la vieille grange des MORISSET. Arrivés sur place, je grelottais de froid et le Duc me fit remarquer qu'il en serait ainsi tant que je porterai mes vêtements trempés. Bien sûr, j'ai d'abord refusé de m'en défaire, Maman, mais j'avais si froid et il avait l'air tellement préoccupé par mon bien-être que je n'ai pu faire autrement que de me ranger à son jugement. Et puis, nous nous connaissons depuis l'enfance alors je ne pensait pas qu'il puisse chercher à me nuire.

Quelques sanglots s'échappèrent avant que la narration ne reprenne.

Oh, Maman, je ne sais ce qu'il s'est passé sinon que soudainement, ce n'était plus l'ami que je connaissais. Dès que j'ai eu quitté ma robe, il s'est rué sur moi comme un animal. Je ne pouvais le contenir et ne cessait de lui crier mon désaccord. Ma chemise de baptiste s'est déchirée sous l'assaut de ses mains avides et je ne dois finalement mon salut qu'à l'arrivée fortuite de Monsieur MORISSET lui-même.

Oh, Maman, que vais-je devenir ? Me voilà perdue de réputation et je sens bien que la seule alternative est de me résoudre à épouser ce fourbe. Je connais les projets qui le portent vers cette demoiselle DARMONT, mais il lui faut maintenant répondre de ses actes, faire taire toutes médisances à mon encontre et sans plus tarder convenir d'une union.





Mais comment diable avez-vous fait pour vous mettre dans cette dangereuse situation ?

La réflexion stoppa net la déambulation nerveuse du jeune homme, le faisant regarder son interlocuteur directement dans les yeux.

De grâce, Père, ne me dites pas que vous portez foi à ces accusations hystériques. Je n'ai rien fais qui puisse entacher ma réputation de gentilhomme. Ma seule erreur est d'avoir sous estimé les capacités de traîtrise d'une certaine jeune fille.

Les mots, vifs, coléreux, ne laissaient pas de doute quand à l'état d'esprit du jeune Duc.

Voyons, Vincent, commencez par me narrer l'histoire dans son intégralité.

Après un soupir de frustration, le récit commença.

Je ne sais comment mais Justine a eu connaissance de mon acquisition d'un buggy et n'a eu de cesse de me soutirer la promesse de le lui faire essayer dans la campagne environnante. Recevant aujourd'hui même un mot de sa part me rappelant cette promesse, j'ai pensé que cela serait vite fait et nous sommes donc partis nous promener. Lorsque j'ai vu le ciel s'obscurcir de nuages, j'ai voulu faire demi-tour mais elle a réussi à me convaincre qu'il ne suffirait que de quelques instants pour rentrer avant qu'ils ne se déversent. Malheureusement, je l'ai écouté et lorsque j'ai pris sur moi de nous en retourner, il était trop tard et le ciel déversait sur nous des trombes d'eau. Justine, alors, m'a rappelé l'existence de la vieille grange des MORISSET, sur ses terres, et j'ai aussi pensé qu'elle nous permettrait d'attendre la fin du déluge.

Comme perdu dans ses pensées, le jeune homme semblait chercher à quel moment les choses lui avaient échappées.

Dès que nous avons été à l'abri dans la grange, cette fourbe s'est plainte de grelotter et m'a enjoint à me dévêtir comme elle le faisait pour que nos vêtements puissent sécher quelques peu. Bien sûr, je m'y refusait mais sans que je n'y puisse rien, elle eut tôt fait de quitter sa robe. J'avoue, Père, que bien qu'elle soit une jolie personne, j'aurai bien voulu me trouver loin de là. Je ne la reconnaissait pas : elle se faisait timide tout d'abord et tentatrice l'instant suivant. Mais le pire vint lorsque je lui enjoignit de se revêtir immédiatement. Furieuse de ne pas me voir succomber à ses charmes, elle se mit à m'invectiver et avant même que je puisse réagir, elle déchirait largement sa chemise. Je la soupçonne même d'avoir entendu les pas de ce cher MORISSET qui venait, lui-aussi, pour se mettre à l'abri de l'orage. La suite, vous la connaissez.

Vous avez ma parole de gentilhomme, Père, que jamais je n'aurai pu mettre en péril une réputation d'aussi ignominieuse manière, et je vous conjure que, devant maintenant faire face au blâme découlant de cette sombre manipulation, jamais cependant, je ne me résoudrai à réparer le soi-disant préjudice par une prétendue union.



LYDIE F