Destination : 16 , Verlaine en filigrane
L'abeille et le corbeau
Madame Pimpinette est désespérée. Elle a beau compter et recompter, il en
manque toujours un.
-Voyons Pimpinouchet est là, Pimpinouchette Pimpinouche et Pimpinouchine
aussi, Pimpinoucha, Pimpinouchon sont sous la feuille de laitue,
Pimpinouchinette est ici, Voilà il me manque Pimpinouchinet !
Et la malheureuse pleure si fort qu’Apicula l’abeille, émue, quitte la
grosse fleur de trèfle ronde et rose. Les pattes dégoulinante de sucre, elle
essaie d’endiguer le chagrin de la brave lapine.
-Allons, Pimpinette, arrêtez donc de pleurer maintenant.
Peut-être n’est-il pas si loin que ça ce galopin !
-Mais cela fait des heures qu’il est parti, il ne saura jamais
retrouver sa route, il ne connaît que le champ de carotte ! et que va dire
Monsieur Pimpinet quand il sortira du chou ! Il avait bien recommandé de ne
pas dépasser le bouquet de persil ! Oh mon pauvre Pimpinouchinet !
- Ouais ! C’est vrai que Pimpinet est un chaud lapin ! Ca va barder
c’est sur ! Attendez Pimpinette, j’ai une idée !
-
Corvus, le grand corbeau, le bec plongé dans un fruit blet, regarde
approcher l’abeille d’un air ennuyé mais il daigne écouter l’insecte
serviable. En dépliant ses larges ailes, il lance un sonore croa-croa-cra et
s’élance pour gagner les hauteurs du grand pin. Apicula le rejoint,
essoufléé :
- Hou ! C’est haut ici, j’en peux plus dit donc ! Alors qu’est ce
que tu vois ?
-
Et le corbeau, impérial au sommet de son pin, son œil rond scrutant
l’horizon répondit :
-Le ciel est par-dessus le toit Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit Berce sa palme.
-Non mais d’accord, mais tu ne vois rien d’autre ?
-La cloche dans le ciel qu'on voit doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit chante sa plainte.
-Corvus, arrête de faire l’imbécile ! Tu sais bien ce qu’on cherche, dépêche
toi on est pressé !
-Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, simple et tranquille.
- Ah bon ! Quand même et c’est quoi ce bruit ?
-Cette paisible rumeur-là vient de la ville.
- Ah mince, il est près des maisons. Zut ! ça va pas être facile de
le récupérer maintenant. Bon Corvus je redescend et…
-
Apicula n’a pas le temps de finir sa phrase. Le noir volatile se lance dans
l’air pur, plane et se pose doucement aux cotés d’un Pimpinouchinet
tremblant de peur et d’une voix cassé lui dit
- Qu'as-tu fait, ô toi que voilà, pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà, de ta jeunesse ?