Destination : 149 , Le retour


Retour saignant



Mademoiselle Ermeline était sur le trajet du retour entre le bureau de son supérieur et le sien. Et Mademoiselle Ermeline était rouge de colère ! Son chef de service venait encore de lui refuser l’augmentation qu’elle réclame depuis maintenant plusieurs années. Elle avait pourtant été patiente en laissant s’écouler quasiment neuf mois depuis sa dernière demande. Neuf mois… le temps d’une gestation… Bon, apparemment la graine d’humanité n’a pas réussi à germer dans le cœur de Môssieur ! Quand comprendrait-il, ce demeuré, qu’elle n’arrivait plus à joindre les deux bouts ? ! Elle était dans le rouge depuis plus de deux ans, et devenait réellement à cours d’arguments face à son banquier qui la harcelait régulièrement.

Quand pourrait-elle offrir à son fils de vraies vacances ? Un séjour qui changerait un peu des deux semaines dans la Creuse chez Papy-Mamie. Elle rêvait parfois de pouvoir partir quelques jours à la mer, histoire d’admirer un soleil couchant, tout simplement. Ou de s’offrir un restaurant gastronomique : Nage d’écrevisse sur compotée de betterave pimentée, suivie d’un rouget poché sur papeton de tomates à l’ancienne, et pour finir, un feuilleté de cerise et son coulis aux pétales de coquelicots. Huuummm… Elle en a soupé du va-et-vient pâte / pomme de terre ! Même en variant les préparations, ça reste d’un ordinaire !

Allons, allons, il fallait qu’elle se ressaisisse ! Du calme, Ermeline ! Ne pas se laisser aller. Jamais. Sortir de cette sensation cramoisie. Respirer à fond. Se redresser et reprendre le cours des choses. Regagner son poste de travail tête haute et faire un petit coucou enjoué en passant devant le bureau vitré de Solange. Surtout faire comme si tout allait bien…

Et puis NON ! STOP ! MARRE de faire semblant ! MARRE de rentrer sa rage ! Le drapeau rouge est sorti. Mer agitée. Il allait voir Môssieur le chef de sévices, de quel bois elle se chauffe. Elle allait faire craquer sa corde de bienséance pour tirer à boulets rouges sur ce crétin. Elle le bombarderait dès demain de tomates pourries récoltées en fin de marché jusqu’à ce qu’il baigne dans un bain de coulis puant. Elle lui ferait payer son solde de tous comptes rubis sur l’ongle, puis elle le lacérerait de ses longues griffes carmin pour que le bureau de son bourreau se mute en une piscine vampirique. Non mais !

griotte