Destination : 31 , Une saison Ailleurs


Quatre saisons, rue Lepic

Elle grimpe, la rue Lepic. On ne peut plus l'ignorer à cause d'Amélie et de son fabuleux destin. Mais ce que ni la jeune Amélie ni son légumes-primeurs n'ont connu, c'est la marchande de quatre saisons. J'ai retrouvé pour vous son monologue.





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Dans ma charrette arrêtée le long du trottoir, à mi-hauteur de la rue, je vends. Je vends du vent, principalement en automne et en hiver, car cette denrée se fait plus rare dans les autres saisons. Il est possible d'importer du foehn d'Afrique du Nord mais j'ai toujours dit que les meilleurs produits, c'étaient ceux du terroir. Une petite bise d'hiver qui tourne le coin de la rue et vous glace le museau, ça, c'est d'chez nous ! Mais je peux aussi vous servir de la neige, essentiellement en flocons, ou en boules après transformation. C'est une marchandise que j'ai du mal à dégoter, puis il faut le dire, elle ne pousse pas bien dans nos contrées, mais pour entendre rire les enfants, que ne ferai-je pas ?



Je vends du soleil, celui qui gorge les fruits, fait rougir les tomates, celui qui dore la peau des belles filles, dénude leurs jambes et leur décolleté, inonde la plage de Paris-sur-Seine et change les clochards en lézards. Surtout en été. J'ai songé à en faire venir des Caraïbes, pour réchauffer le pavé en hiver, mais il se serait mal adapté à la grisaille de la pierre. Je l'ai toujours dit, le transport gâte le produit !



Je vends de la pluie en toutes saisons, de la fine, de la grosse. Il y en a pour tous les goûts. De l'ondée courte et drue ou de la bruine persistante, de l'averse à pleins seaux ou du crachin serré. De la giboulée en mars seulement. Je ne fais pas de miracles, je suis le cours de la nature et j'ai toujours de quoi satisfaire mes clients.



Je livre des orages jusqu'à la porte de la Santé, des paquets de grêle sur les verrières du Printemps. La grêle, c'est ce qui coûte le plus cher mais il faut dire aussi qu'une consommation excessive peut être dangereuse et même destructrice.



Je vais vous confier ma recette préférée. Elle se prépare en automne : laisser se lever le brouillard au-dessus de l'eau, attendre une petite heure, le temps qu'il se dégage, et absorber ensuite le soleil sans restriction. Si vous voulez y goûter, venez choisir sur mon étal tous les ingrédients nécessaires à votre plaisir du jour.



Et au printemps, qu'avez-vous à nous proposer ? m'a demandé hier un passant. Mais, alors, ma charrette n'y suffit plus. Croyez-moi, si vous venez vous approvisionner chez moi, vous pourrez vous composer un vrai menu de fête : les quatre saisons en une seule journée. Pas besoin de se payer un voyage en Ecosse ! Ici, rue Lepic, connue pour ses voitures de quatre-saisons, je vous offrirai même en prime un arc-en-ciel au-dessus du Sacré-Cour.



Danièle