Destination : 13 , Polyglottes


L'ART DE LA CONVERSATION

-Don't tell me, you're going to France and you don't even speak French!

Il avait failli renverser sa tasse de thé.

Oui ! Je savais bien que c'était tout à fait présomptueux de me rendre dans ce pays de "froggies", mais j'étais poussé par un impétueux besoin d'exotisme. La tranquillité brumeuse de la campagne anglaise me devenait insupportable.

J'expliquais à mon ami qu'il n'était absolument pas nécessaire de connaître la langue française pour passer un long week-end en France. D'ailleurs, magicien de métier, je parlais admirablement avec les mains et puis j'avais dans ma manche quelques formules magiques que je connaissais par cœur en corrigeant mon accent anglais. Ecoutez plutôt :

Cà alors !

Mais dis donc !

Cà va ?

Quoi de neuf ?

Impressionnant non ? Look out France ! Here I come!



Il pleuvait tant lorsque je suis sorti de la gare que je me suis réfugié dans la première brasserie venue. Les mines patibulaires du patron et des rares clients en guise d'accueil ! Les français sont vraiment laids. L'endroit était sale et sentait mauvais. Mais que faisais-je là ?



Je me suis assis à une table face au comptoir et j'ai souri pour montrer que j'étais de bonne volonté. J'ai attendu tellement que j'ai saisi un journal français abandonné, chiffonné, écorné pour regarder les photos. En feuilletant le journal "Singing In The Rain" m'a envahi la tête et j'ai commencé à fredonner en faisant danser mes doigts sur la table. Une serveuse est arrivée comme par miracle. Elle était jolie, énervée et fatiguée elle a lancé "OUI" (je comprends ce mot) moi en souriant j'ai dit dans mon plus beau français "Cà va ?" Ses yeux se sont agrandis et brusquement elle a éclaté de rire et elle a répondu "NON" (je comprends cela aussi). Je voyais bien qu'elle voulait que je passe commande. Avec les mains j'ai montré que j'avais faim. Elle a dit quelque chose en secouant négativement la tête et en montrant sa montre. Pas l'heure, plus l'heure. Ils sont bizarres ces français chez nous on peut manger quant on veut. "Café au lait ?" ai-je dit alors. Depuis son comptoir le patron a crié "Machine kaput ! No café!" Il me prenait pour un allemand. La situation était désastreuse il fallait réagir. Dehors la pluie tombait drue. J'ai fait le fanfaron " Two glasses of champagne!" Je suis certain qu'ils ont immédiatement compris "champagne". J'étais fier de moi un sentiment de sympathie à mon égard flottait à présent sur le visage de la serveuse et du patron. Les deux flutes où dansait le champagne sont arrivées accompagnées de cacahouètes et de minuscules biscuits. J'étais servi comme un empereur !

J'ai fait signe à la serveuse qu'une flute était pour elle. Ses yeux se sont de nouveaux agrandis et de nouveaux elle a éclaté de rire, puis elle a déposé sur le comptoir son plateau et son "rag" à carreaux, et sans un regard pour le patron elle est venue s'asseoir en face de moi. Nous avons cogné nos verres et j'ai dit "Quoi de neuf ?" Et elle s'est mise à parler à parler. Je ne comprenais rien mais j'intervenais tout même "Mais dis donc !" Cà alors !" et cela déclenchait de bons rires enfantins. Je n'ai pas résisté à la tentation de réaliser un tour de magie : de derrière son oreille j'ai cueilli une petite rose en velours rouge et je lui ai offerte.



Je ne vous raconterai pas plus de mon séjour en France avec pour guide une merveilleuse petite serveuse. Sachez seulement qu'elle a promis de venir en Angleterre et qu'elle saura dire avec un parfait accent :

Oh dear!

Well!

My god!

Gosh!

Ce qui lui permettra de tenir parfaitement une conversation …



EVELYNE W