Destination : 86 , Droit dans le mur !


le labyrinthe

Le labyrinthe.

Les murs du labyrinthe étaient tous différents.
Plus on s’éloignait du centre, plus ils étaient hauts et austères, plus ils paraissaient sombres et impressionnants, plus ils faisaient peur.
Certains étaient coiffés de fil de fer barbelé, entrelacés, ou enroulés, sur d’autres poussaient de longues orties touffues, d’autres encore étincelaient de tessons de verres.

Comment quitter le centre dans de telles conditions ?
A chaque tentative, cela devenait plus effrayant ;
Pourtant, elle avait essayé, bien souvent.
Lui aussi d’ailleurs.
Ensemble ou séparément.
A chaque fois l’espoir que cela serait enfin différent renaissait, qu’enfin l’issue serait découverte, qu’une sortie existait belle et bien…
Mais l’un comme l’autre s’étaient toujours perdus, en vain.
Elle avait remarqué mille et un détails en chemin :des odeurs particulières, de la terre, des couleurs de pierres, des insectes rampants,grimpants ou volants, et de moins en moins de lumière, au fur et à mesure qu’elle avançait, qu’elle tournait…et que la terreur naissait.
Lui s’était plutôt concentré sur un nombre de pas, sa vitesse, les directions, tant de fois à gauche ,tant de fois à droite…il faisait des statistiques, ses données étaient pragmatiques. Mais aucun des deux n’avait jamais trouvé de sortie.
Et sans cesse ils finissaient par retourner au centre, sans même savoir comment, pourquoi, quand.parfois ils se disputaient.un des deux aurait bien dû trouver la sortie pour sauver l’autre !
Ou bien ensemble, pourquoi n’y parvenaient-ils pas ?ils devaient réfléchir, trouver les bons indices pour sortir de là !a deux n’est-on plus fort ?
Ils avaient beau chercher, se concentrer, ou au contraire faire le vide, respirer et se détendre, ou encore suivre leur intuition, les murs autour d’eux étaient parfois verts, envahis de lierre,
Rouges sang, couverts de vigne, piqués d’ardoises bleues ou encore gris de honte, les passages devenaient de plus en plus étroits, les angles trop droits,plus on avançait, plus les murs grandissaient, plus il y faisait froid et humide, plus le chemin était long et lugubre…et toujours aucune issue.
Alors, revenir au centre, finalement, c’était plus rassurant.
Il y faisait plus clair, plus chaud, un tapis de mousse et de petites herbes odorantes et douces s’étalaient au pied des premiers murs ; parfois même un papillon s’y attardait; elle le regardait en rêvant.



Lui, il dormait.Il dormait beaucoup, parce qu’il partait toujours en courant, et il revenait inlassablement épuisé, vidé, le regard aveuglé.
Au centre bruissait une cascade et on y trouvait toujours quelque chose à manger. Par contre, les sentiers du labyrinthe étaient dépourvus de toute espèce de nourriture, il fallait donc partir rassasié, et accepter le risque d’avoir faim, soif, jusqu’à la fin.
Fallait-il en mourir ?
Pour l’instant, chacun avait toujours fini par revenir mal en point, s’écrouler non loin des murs les plus bas, les plus clairs les plus accueillants, avant de chercher à fuir l’enfermement.
Aujourd’hui, elle avait décidé de rester là, de ne plus bouger, d’accepter tout simplement.
Lui au contraire venait lui annoncer que coûte que coûte il ne reviendrait plus jamais au centre. Il allait se gaver de tout ce qu’il pourrait avaler et s’en irait errer à jamais quoiqu’il advienne.
Chacun avait finalement fait son choix.
Ils se dirent adieu définitivement.
La gêne était palpable, indefinissable, lourde .mais il le fallait probablement, puisqu’ils n’avaient su trouver ni ensemble ni séparément ni en s’attendant ni en s’appelant ni en unissant leurs stratégies, leurs forces ou leurs idées…
Ainsi, à neuf heures, il partit.
Elle entendait le bruit de ses pas décroître, le bruit de sa voix s’amenuiser pour la dernière fois. Il chantait faux pour se donner du courage…
Elle s’assit au bord de l’eau, en tailleur.*
Elle tenta d’apaiser son cœur, respira.
Finalement, même entourée de tous ces murs, elle n’était pas si mal au centre.
L’air y était toujours doux, et elle voyait le ciel.Bleu.Parfois avec quelques nuages, mais passagers. Elle imaginait alors comment s’échapper par le haut, elle imaginait une grande échelle pour monter sur l’un d’eux et arriver jusqu’à la mer…
Lui avait probablement imaginé une ixième stratégie. Il ne lui en avait rien dit.
Peu importe, puisqu’ils avaient l’un et l’autre choisi.
A midi, elle avait retrouvé calme et sérénité.
Elle but et mangea des baies ; lui devait marcher toujours.
A minuit, elle se coucha au pied du mur le plus chaud, et s’endormit, bien calée.
Lorsqu’elle se réveillera, demain…
S’il avait trouvé la sortie, elle savait qu’il n’existerait plus aucun mur autour d’elle et que serait franchi le temps de l’enfermement.

Le labyrinthe aurait totalement disparu.

Alors commencerait une nouvelle partie.
Un nouveau pari.
Et ce qu’il advint.

Coralie

coralie de sezame