Destination : 86 , Droit dans le mur !
Demain n'est pas un autre jour
Elle marche vite, emportée par la foule qui se presse autour d’elle. Ils marchent si près d’elle, constamment, qu’elle se sent harcelée. Ils ne lui laissent aucun répit.
Les murs sont gris et sales. A chaque fois qu’elle passe ici, cette odeur désagréable et si caractéristique envahit ses narines pour de longues heures. Rien ne peut la chasser. Elle ne peut empêcher son corps de frissonner de dégoût. Elle hait le métro.
Ce métro, elle l’emprunte tous les jours. Matin, soir. Et le week-end. Elle voudrait tellement faire une pause, respirer le grand air, courir dans les champs, se cacher dans les bois. Comme quand elle était petite.
Elle n’en peut plus des quatre murs froids de son bureau. Quatre murs impeccables, trop nets pour être sympathiques. Quatre murs qui délimitent une pièce impersonnelle, à l’atmosphère glaciale. Elle n’a jamais envie de s’y attarder.
Tous les matins, c’est la même routine. Toute la journée. Tous les soirs. Les mêmes gestes, les mêmes mots, les mêmes blagues avec les collègues, les sorties hebdomadaires avec les vieux amis auxquels elle n’a plus rien à dire. Jamais de fantaisie, jamais de changements.
Sa vie est morose comme un train de banlieue. Elle ne sait plus rire à l’abandon, rire sans arrière-pensées. Ses habitudes l’obsèdent. Métro, boulot, dodo. Jamais ce triste constat n’a été plus vrai.
Elle voudrait s’en aller. Plusieurs fois, elle l’a envisagé. Prendre un billet d’avion, une destination au hasard, la plus lointaine possible, et s’envoler sans jamais se retourner. Mais jamais elle ne va autre part que dans le mur.
Malgré elle, sa vie la retient prisonnière. Sans son petit quotidien, elle est perdue. Elle en a fait le constat plusieurs fois, déjà. Chaque fois qu’elle part en vacances, qu’elle relâche la pression, qu’elle s’éloigne des murs sales du métro, Paris lui manque. Invariablement. Au bout de deux jours, elle rentre. Peste contre les odeurs, l’air irrespirable, les foules pressées, les gens stressés… mais sa vie leur est tellement liée qu’elle ne peut plus s’en passer.
Ce métro qu’elle hait tant exerce sur elle une sorte de fascination. Métro, boulot, dodo. Elle abhorre cette routine mais ne vit que par elle. Au fil du temps, ses habitudes ont construit des murs autour d’elle.
Ce sont des murs de verre, elle voit au travers, mais rien à faire. Elle ne peut pas en sortir. Toujours, sans faillir, ces murs la rappellent. Et elle accoure. Retrouve ses petites coutumes, ses gestes familiers…
Sa vie est terne, morne. Mais celle de tous les autres l’est bien autant. Alors après tout, elle n’y perd pas grand-chose. Un peu de bonheur, peut-être. Un peu de liberté.