Destination : 4 , Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part.


Regards (2)

Chaque soir, elle était tentée de sortir sur son balcon, retrouver la sensation de fraîcheur qui manquait à sa chambre et, sans se l'avouer, ces battements de coeur désordonnés qu'elle a vécu ce soir-là, elle savait qu'il était à deux pas d'elle mais elle ne le voyait pas, seule sa musique venait jusqu'à elle.
La nostalgie, le trouble, l'impatience de le voir, montaient en elle en crescendo.
Elle aurait voulu faire un pas vers lui, l'approcher, lui parler, comme on parle à un ami mais quelque chose en elle résistait, l'empèchait de se faire plaisir, de se laisser aller.

Chaque soir, il remettait inlassablement ce disque qui l'avait fait sortir de sa somnolence, il espèrait qu'elle allait sortir de cette chambre où il savait qu'elle s'enfermait pour le fuir.
Il ne trouvait pas d'explication, il ne l'avait pourtant pas brusquée, elle semblait ce soir-là si proche de lui malgré la balustrade, malgré la pénombre.
Qu'est-ce qui l'avait fait fuir? Peut-être n'était-elle pas libre?
mais jamais il n'avait entendu de bruits de voix ni de pas étrangers venant de son appartement, elle était bien seule. Il ne savait pas grand chose d'elle, à part son nom, écrit élégamment sur une étiquette collée sur sa boite aux lettres.

Elle prenait souvent un livre pour se distraire, pour faire passer la nuit, l'insomnie qui s'est emparée d'elle depuis quelques temps mais elle n'arrivait pas à se concentrer sur ce qu'elle lisait, ses pensées convergeaient immanquablement vers cet homme, si proche et si lointain en même temps. A trop se retenir, elle en avait fait une obsession.
Et si elle faisait un pas vers lui, toute cette tension disparaîtrait peut-être, ils auraient une conversation banale et elle saurait qu'il n'était rien pour elle, un regard ce n'était pas important, ainsi, elle pourra retrouver son insouciance, son balcon, sa chaise.

Il ne savait pas s'il devait faire le premier pas et s'il s'était trompé? et si elle n'avait pour lui que de l'indifférence ou pire de la répulsion?
Il ne voulait pas trop s'attarder sur cette éventualité, il préfèrait rêver, attendre, l'attendre comme chaque soir, patiemment et un jour, peut-être, elle se déciderait à sortir, à moins que? Et s'il provoquait les choses? s'il l'appellait encore une fois par son prénom ou s'il allait sonner à sa porte?

Elle aurait tant aimé qu'il prenne une décision à sa place, qu'il arrète sa musique, qu'il ferme sa fenêtre, qu'il éteigne sa lumière ou qu'il le fasse lui ce premier pas qu'elle redoutait, qu'elle attendait.

ILs laissèrent ainsi passer l'été, bientôt, elle n'eut plus besoin d'ouvrir sa fenêtre pour rafraîchir sa chambre, elle s'enferma dans sa maison, il s'enferma dans la sienne.
Elle finit par trouver la paix, il a fini par l'oublier.
Un jour ils se croisèrent dans les escaliers, il l'ignora, elle n'en fut pas affectée.

Ameline