Destination : 24 , Hommage à M. Merle
Les survivants du centre d'appel
L’explosion a eu lieu à 10h20. Nous étions alors tranquillement en train de travailler, c’est à dire répondre au téléphone à des clients hargneux, un appel en chassait un autre, et cela aurait pu continuer encore toute ma vie si cette explosion n’avait pas eu lieu !
Sur le moment, je me suis dit chouette il n’y a plus de téléphone, on va pouvoir rentrer chez nous. Mais le problème c’est qu’après nous avoir demandés de rester enfermés dans la salle sans bouger, notre chef ne nous disait plus rien. Nous avons commencé à en avoir marre, et lui avons demandé si on pouvait rentrer. Il a été formel : on reste là jusqu’à contrordre. Mais que s’était-il passé ? on ne savait pas mais on craignait une pollution de l’air, il valait mieux rester enfermés.
Dehors le ciel prenait des teintes orangées, c’était joli. Dedans c’était comme d’habitude : Victor nous faisait rire, Martine parlait avec Francine et Jérôme de l’émission de la veille : " Tarzan et ses potes ", une télé réalité dont l’action se situe dans la jungle. Je ne sais pas pourquoi, ils critiquaient l’émission mais pourtant ne la loupaient jamais !
A un moment, Aline s’est disputée avec Odette pour pas grand chose, comme d’habitude, mais cela a provoqué comme un vent de panique. Martine a crié : je veux sortir, j’ai mes enfants à aller chercher à l’école ! Aline et Odette ont arrêté net de se disputer et sont devenus toute pâles. Jacqueline est arrivée de l’autre salle en disant : mais que se passe –t il ici, qui a crié ? C’est Martine, elle pique sa crise ! Au même moment, Aline s’est évanouie, et le directeur en a profité pour entrer dans notre bureau. Surtout pas de panique, qu’il a dit ! Mais à sa voix, on voyait qu’il était le premier à avoir les chocottes.
Bref, c’était pas la joie et on a voulu sortir histoire de voir ce qu’il se passait dehors. On l’a décidé en même temps, à croire qu’on n’en pouvait plus d’être enfermés, l’air devenait irrespirable à l’intérieur.
Dehors, ce fut le choc : tous les immeubles alentour avaient explosé, il n’y avait qu’un amas de gravas partout jusqu’à l’horizon. Seul était resté debout notre immeuble, cela tenait du miracle selon Georgette, c’était une illusion d’après Marc, un cauchemar dirait le directeur en se tirant bêtement sur les cheveux d’un air égaré.
On décida de s’organiser : une partie de notre groupe irait vers le Nord, l’autre vers le Sud. On se retrouverait dans une heure ici.
Cinq minutes après, tout le monde se retrouvait au même endroit : on n’avait pu parcourir plus d’un mètre ou deux. La montagne de gravas nous empêchait de marcher, et de plus, nous étions essoufflés à peine nous bougions le petit doigt.
C’est Victor qui a pris les commande. Le directeur était plié en deux par une chiasse incontrôlable. Il est efficace Victor avec sa grosse voix !
" on va analyser la situation puis prendre des décisions, mais pour l’instant, réfléchissons ! "
En guise de réflexion, nous avons tous piqué un roupillon, bien calés les uns sur les autres pour se tenir chaud au cœur. , mais aussi parce qu’il n’y avait pas trop de place avec tous ces décombres.
Quand nous nous sommes réveillés, le directeur était mort, et Victor était parti .La nuit allait se lever, ce qui tendait à prouver qu’elle était tombée à un moment donné. Dans la pénombre, nous aperçûmes une ombre arriver lentement. Son pas était lourd et la silhouette n’en finissait pas d’arriver. Ben c’était Victor qui revenait.
a.. alors, qu’as-tu vu demanda Martine, toujours aussi curieuse ?
b.. dis donc, j’ai un truc à vous dire, asseyez vous et écoutez moi ;
il est bête Victor il voyait pas qu’on était déjà assis !
a.. et bien, voilà : je n’ai vu personne, et pourtant j’ai marché, j’en ai escaladé des montagnes d’immeubles, des collines de béton haché, et je suis même monté au sommet d’une tour de voitures froissées, et là qu’ai-je vu ? rien, pas âme qui vive ! je vous le dis mes chers amis mais néanmoins collègues : nous sommes les seuls survivants de cette explosion toujours pas expliquée !
Le jour se levait, il en avait rien à foutre le soleil, il continuait à se lever alors qu’il n’y avait peut être pas une âme vivante sur la terre à part nous. Il se levait pour nous le soleil, rien que pour nous, et ça ils fallait bien qu’on arrive à l’admettre.
Plus tard on s’est habitués à l’idée, il a suffit de le savoir. Par contre, on a commencé à avoir faim, c’est tout bête mais quand on est survivant, on ne sait pas quoi manger. Cédric a commencé à raconter ce qu’il avait lu dans un roman : les survivants d’un accident d’avion avaient fini par se bouffer entre eux. Cela a bien mis l’ambiance dans le groupe, sacré Cédric ! Après cette rigolade, on ne savait plus quoi faire alors on a parlé entre nous. En fait, on s’est aperçu qu’on ne se connaissait pas vraiment, à part les repas à la cantine où on parle surtout de " Tarzan et ses potes " on ne savait rien les uns sur les autres ; c’est fou ça quand on y pense ! Alors on a joué à un jeu, on se pose des questions, et on essaye s’y répondre le plus franchement possible. Le but est de se connaître. Mais après on s’est demandé à quoi cela servirait puisqu’on allait mourir.
Mourir ? demanda Martine dans un bâillement à donner sommeil à tout un bataillon de survivants.
Alors nous avons décidé de dormir, il serait temps après de prendre les bonnes décisions.