Destination : 24 , Hommage à M. Merle


Issue de secours

Depuis combien de temps sommes-nous là ?

Ma montre ne fonctionne plus. Elle s'est brisée lorsque je suis

tombée.

Mon portable…l'écran est noir. Il n'y a plus de batterie.



Combien sommes-nous ? Cinquante, trente, vingt ?

Impossible à dire. Il n'y a pas assez de lumière.

Je regarde autour de moi. Je vois des femmes, des hommes de tous

âges. Une chose me frappe. Il n'y a pas d'enfants. C'est un peu

normal me dis-je. A l'heure où je me suis engouffrée dans la station

les enfants étaient déjà en classe.



Nous devons être là depuis au moins trois jours. Une odeur de

pourriture a envahit l'endroit. La mort est tout autour de moi, de

nous. Elle rode, prête à s'emparer de chacun. J'ai peur de fermer les

yeux car il n'y a pas que la mort qui nous épie.

Il y a toutes ces bêtes qui grouillent.

Plusieurs fois je les ai sentis courir sur mes jambes. Heureusement

je ne les intéresse pas, je suis trop vive.



J'ai fait connaissance avec les vivants restés sur le quai tout

comme moi.

Nous veillons les uns sur les autres. Lorsque l'un de nous s'endort

ceux qui montent la garde chassent les rats aventureux.



Pour l'instant la faim et la soif ne nous ont pas encore mis sur leur

tableau de chasse. Nous avons survécu jusqu'à présent grâce aux

distributeurs installés dans divers endroits.

Mais ça devient dur. Plus nous avançons dans le labyrinthe des

couloirs plus nous nous trouvons face à des appareils vide.

Cette question me hante, combien sommes-nous là-dessous ?



Nous marchons le plus possible. Avancer, même si le trajet est semé

d'embûches. Nous espérons trouver une sortie, croiser d'autres

groupes.

Chaque pas est hésitant, périlleux. L'éclairage est faible, voire

inexistant par endroit.

Des pierres ainsi que des cadavres encombrent les couloirs. A

diverses reprises l'un de nous man-que de tomber dans des trous

béants ouverts dans les murs.



Le découragement commence à nous gagner.

Sortirons-nous un jour ?

Une des femmes du groupe a craqué. Elle ne veut pas aller plus loin.

A quoi bon !

Des hommes se sont relayés pour la porter. Pas question d'abandonner

l'un de nous. Telle est no-tre devise.



Nous avons atteint la station Châtelet-Les Halles. D'autres «

naufragés » sont là aussi. Des centai-nes. Les boutiques installées

là ont été dévalisées. Il n'en reste rien. Il n'y a plus de

nourriture.

Heureusement ceux qui en ont encore un peu la partagent. Mais cela

va durer encore combien de temps ?

Nous n'avons pas ce problème en ce qui concerne l'eau. Il y a encore

des robinets en état de fonc-tionnement. Nous sommes certains que

l'eau n'est pas potable, mais qu'importe.



Quelqu'un pose cette question à laquelle nous pensons tous sans oser

le dire :

- Où sont les secours ?

On se le demande tous…



Que faire maintenant ? Rester là où avancer encore ? Et dans quelle

direction ?

Au fil du temps des liens se sont crées. Des gens de tous horizons,

de toutes religions se soutien-nent et se parlent. Dans d'autres

circonstances ils se seraient même pas regardé ou avec méfiance.

Un groupe d'éclaireurs se forme. Les autres choisissent de rester sur

place.



Il doit bien y avoir un moyen de sortir de là ?



Les éclaireurs se divisent ainsi nous aurons peut être plus de

chance. Les recherches seront ainsi plus efficaces.

Nous sommes épuisés, moralement et physiquement. Par endroit l'air

est vraiment devenu irrespi-rable.

Au sein de mon groupe personne ne parle. Une de nos camarades s'est

laissée mourir. Elle a abandonné.



Quand tout cela finira t'il ?



Un éclaireur accourt vers nous. Un passage a peut être été trouvé !

Cette lueur d'espoir nous donne des ailes, nous le suivons tous en

courant.

Le passage est encombré de gravats mais il nous semble apercevoir une

lumière passant au tra-vers.

En peu de temps nous avons tout déblayé.



Elle est là, enfin, la sortie.

Nous sommes maintenant à une largeur de porte de la liberté ;



Après diverses tentatives, la porte ne s'ouvre pas. Elle semble

bloquer. Elle est fermée à clé.

Plusieurs d'entre nous donnons des coups dans la porte afin de la

faire céder.

La serrure finit par se casser, la porte s'ouvre.



La lumière nous brûle les yeux. Il nous faut plusieurs minutes pour

nous réadapter.

Quelques marches.

Nous sommes libres.



Arriver en haut de l'escalier, un à un nous restons pétrifiés par le

spectacle que nous découvrons.

Karine