Destination : 256 , Fruits d'Ailleurs
Pour faire le portrait d'une orange
Peindre d’abord un pot
Plutôt grand, en terre cuite
Peindre ensuite
Un petit pépin tout joli
Que vous placez dans le pot
Que vous recouvrez de terre
Que vous arrosez doucement
Avec un peu d’eau.
Placez ensuite la toile au soleil
Dans un jardin d’été
Dans un abri d’hiver
Ou dans votre maison.
Laisser filer les saisons,
Sans rien dire,
Sans rien faire…
Jusqu’à l’apparition du germe.
Il faut encore attendre de longues années
Avant de voir éclore une fleur parfumée.
Ne pas se décourager,
Attendre,
Attendre le temps qu’il faut,
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée d’une orange
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau.
Quand l’orange arrive,
Si elle arrive,
Ne surtout pas se précipiter
Attendre que l’orange s’arrondisse,
Qu’elle s’alourdisse,
Qu’elle s’orangisse en parfums subtils
Puis
Effacer une à une les branches de l’arbre
Les feuilles, la terre, le pot,
En prenant soin de ne pas toucher l’orange.
Faire ensuite le portrait d’un enfant,
En choisissant celui qui a de grands yeux tristes,
Peindre le noir de ses cheveux balayés par le vent,
La poussière sur ses mains
Et le bruit de la guerre dans la chaleur de l’été.
Et puis attendre que l’enfant voie l’orange
Si l’enfant ne la voit pas,
C’est mauvais signe,
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il la voit et s’il sourit,
Si son visage un instant s’émerveille
Et oublie le sang, la douleur et les larmes
Alors vous effacez tout doucement,
Les ruines tout autour de l’enfant
Et vous les remplacez par un matin tranquille.