Destination : 277 , De la sérenpidité
La Clef
Hier, j’ai retrouvé la clef. Ta clef. Celle que j’ai cherchée partout, pendant des journées sombres de pluie. Toute une semaine. La semaine qui a suivi ta mort. Il y a des années lumières de cela et elle était là, là où tu l’avais rangée pour la dernière fois. Là où je n’avais jamais pensé à chercher.
Hier, j’ai retrouvé ta clef qui aujourd’hui, ne me sert plus à rien. La grange a été détruite. Il y a longtemps. J’ai vieilli. J’ai ton âge maintenant. La grange n’est plus là et toi non plus. N’en reste que la clef, telle qu’elle a toujours été : noircie et déformée. A-t-elle seulement été neuve un jour ? Et toi, as-tu été jeune un jour ? Je ne t’ai connu que vieux.
Hier, j’ai retrouvé ta clef et elle a ouvert en grand les portes de ma mémoire. Les cerises, les genoux écorchés, la tisane à la fleur d’oranger, la cuisinière à bois. Et toi. Toi qui m’emmenais le soir, acceptant de dévoiler à mes yeux d’enfants ton deuxième amour. Un trésor bien gardé, dans la grange fermée à clef. Là, dans l’odeur du foin et de l’huile de vidange, une voiture. Ta première voiture. Une R108 de 1949, l’année de naissance de papa. Ton fils.
Hier, j’ai retrouvé la clef et les images envolées. Casquette brune sur ton crane nu, moustache fine, yeux rieurs et sourire taquin. Campé sur tes deux jambes, solide, immense. Je n’ai jamais compris comment tu avais pu rentrer dans une aussi petite boite. Une boite fermée à clef.
J’avais perdu ta clef mais hier, je t’ai retrouvé.