Destination : 366 , Une année Ailleurs !
A Year in a Life
Dimanche 20 mars : Equinoxe de Printemps
Aujourd’hui c’est le printemps ! Et non seulement c’est le calendrier qui le dit, mais le soleil, lui(t) aussi. Il fait un temps radieux, les oiseaux chantent, les abeilles bourdonnent autour de moi. A genoux dans l’herbe, j’arrache les mauvaises herbes autour de mes chères pivoines qui sont déjà toutes sorties de terre, comme autant de promesses de bouquets rose et crème, délicatement parfumés. Ma fatigue de ces derniers jours semble s’être envolée et je pense, à cet instant précis, à La multitude des possibles qui s’ouvre pour les semaines à venir : un week-end en famille, des balades en campagne avec les copines, des soirées sur la terrasse à déguster un verre de vin avec mon amoureux, les prochaines vacances à préparer… Je me sens bien, paisible, en harmonie avec cette belle journée. La dernière herbe arrachée, je me relève, un peu trop vite sans doute car j’ai comme un éblouissement brutal avant de sentir mes jambes se dérober. Je m’évanouis par surprise, sans un bruit.
Mardi 21 juin : Solstice d’Eté
Ce soir, c’est la fête au village. Quelque chose entre la Saint-Jean de mon enfance et la fête de la musique. Un grand feu, des grillades, un groupe de musicien du coin qui reprend tous les standards rock des années 80 : Téléphone, Les Rita, Thiéfaine, Noir-Désir, Les Béru, la Mano Negra et tant d’autres. L’occasion de retrouver les copains et nos vingt ans, l’occasion surtout de souffler et de penser à autre chose. Les dernières semaines ont été éprouvantes : une multitude d’examens, de rendez-vous médicaux, d’attente et surtout d’inquiétude. Le diagnostic est tombé la semaine dernière, évidemment, c’est pas terrible. Mais ce n’est pas pire que ce qu’on avait imaginé. Le spécialiste a parlé d’un traitement Au long court, contraignant et avec pas mal d’effets secondaires. Il me reste encore un dernier IRM à faire la semaine prochaine, pour vérifier qu’il n’y a aucune contre-indication pour que je suive ce protocole. Mais pour l’heure, je dois y aller : la soirée va commencer ! Viva la fiesta, vive l’été !
Vendredi 23 septembre : Equinoxe d’Automne
Les enfants arrivent ce soir, je prépare les chambres pour que chacun retrouve son espace personnel après une semaine à l’internat pour le cadet et à la cité universitaire pour la grande. Sur les murs, des photos d’il y a quelques années, alors qu’ils étaient de jeunes enfants. Je repense à leurs éternelles disputes, dans lesquelles j’étais loin d’entrevoir la complicité qui les lie aujourd’hui ! Je me rappelle les histoires du soir et les câlins du matin avec une certaine nostalgie même si, je n’ai pas à me plaindre, ils sont encore très affectueux avec leur mère. Surtout depuis que j’ai commencé le traitement, juste après nos vacances à la mer, fin juillet. Nous avons passé quelques jours tous les quatre, comme chaque année : quel bonheur ! Les après-midi sur la plage, les balades à vélo, les soirées au restau. On a bien profité de cette Liberté Chérie, avec d’autant plus de joie que nous avions tous en tête la gravité de la situation. Et aujourd’hui, c’est l’automne, il pleut. Peut-être demain nous irons voir mes parents, tous ensemble ? Cela fera plaisir à tout le monde…
Mercredi 21 décembre : Solstice d’Hiver
Dans quelques jours, c’est noël. Je prépare les derniers cadeaux avant la folie qui va s’abattre sur la maison dès ce week-end. D’abord les enfants qui arrivent vendredi soir avec leurs chéris respectifs, puis, samedi en fin d’après-midi, ma sœur, ses deux enfants, son nouveau conjoint et la fille de celui-ci. Heureusement, chacun participe pour le repas, je n’aurai pas eu la force de tout préparer moi-même. Mais je tenais à faire cette veillée de noël chez nous, encore une fois, comme d’habitude. Comme un pied de nez au destin qui a voulu me faire vaciller cette année. Et qui a presque réussi. Il faut dire que, quand on a compris que le traitement n’était pas suffisamment efficace, je me suis effondrée. Moi qui avait toujours été très active et habile de mes mains, comment imaginer que j’allais devoir sacrifier la droite ? Mais il n’y a pas le choix, c’est le seul moyen d’éradiquer définitivement la maladie. L’opération est prévue après les fêtes. Et si tout va bien, au printemps, nous envisagerons la pose d’une prothèse. En attendant, je vais devenir gauchère, ce qui arrive à faire beaucoup rire mes enfants et mon mari. C’est leur humour et leur tendresse qui m’ont aidé à sortir de ma dépression. Comme l’a dit un membre du groupe thérapeutique auquel je participe désormais, l’Inclusion, ça commence par rire ensemble. Et ça, je compte bien ne jamais m’arrêter !