Destination : 109 , Cueillette du CEPE
De[com]Positions Françaises
Sujet (1960) : « Votre maman vous demande d’écrire une lettre à votre grand-frère au service militaire pour lui donner des nouvelles de la famille, du village, des travaux, des voisins, de votre vie scolaire… Rédigez la lettre »
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P’tit Jean, dernier rang à gauche :
« Salut frérot, j’espère que tu va bien. Moi sa va, je travaille dure pour préparé le certif que papa et maman tienne beaucou a ce que je lai. Mais moi, tu sai bien que je préfère aller au ruisso pour taquiner les goujon et péché les écrevisses. Mais là, jé pas le choix sinon ils m’ont dit que j’allais pensio à l’école des curés en septembre. Pas question que je devienne sec et rabougri comme l’abbé du village ! Moi se que je voudrai s’est travailler sur les voitures comme celle que monsieur le maire a acheter : une Citroën DS 19, noire, année 1958, avec un moteur de 4 cylindres et un carburateur double corps, une boite 4 vitesse, des freins en circuits hydrauliques et une suspension hydropneumatique et qui monte a 130 kilomètres heures tu imagine ? Tout le village est vert de jalousie… tu pense bien ! Il me laisse la laver en échange d’une pièce de 5 francs, et j’an profite pour regardé dans le moteur et commençé à apprendre comment que sa marche. J’espère que Jo le mécano voudra bien me prendre en aprentiçage, papa a dit que si j’ai le certif il ira lui demandé. Je t’embrasse bien fort, Jeano»
Simone, premier rang au milieu :
« Jacques, me voilà en train de passer le certificat. C’est drôle, le sujet proposé est d’écrire une lettre à son frère, parti au service militaire. Combien t’en ai-je envoyé depuis deux ans ? Combien de fois, ai-je patiemment recopié les mots dictés par maman, pour te donner des nouvelles de la maison, du travail, de pépé et de ce qu’il se passait au village ? A chaque fois, je les corrigeais avec notre instituteur, le matin avant de commencer la classe, pour que tu sois fier de moi et de mes progrès. Et toi, combien de lettres, que tu voulais rassurantes, nous as-tu fait parvenir d’Algérie pour que je les lise aux parents le soir, en rentrant de l’école ? Tu vois, c’est en quelque sorte grâce à toi que je suis devenue la meilleure de la classe en grammaire et en orthographe. Mais depuis trois mois, depuis que monsieur le Maire est venu à la maison avec son télégramme, je n’ai plus rien à lire ni à écrire. Maman pleure toute la journée et papa ne dit rien, il travaille tout le temps. Aujourd’hui, je me dis que c’est toi qui a demandé au Bon Dieu de me donner ce sujet, pour que je sache que tu penses à moi depuis le paradis et que tu ne nous oublies pas. Bons baisers, ta petite Monette.»
Jacques, deuxième rang à droite :
« Bonjour. Il paraît qu’il faut que je t’écrive une lettre pour te donner des nouvelles, c’est le sujet de notre composition. Comme tu n’existes pas, je vais t’appeler Pierrot, ce sera plus simple. Pourtant, j’aimerais bien que tu sois là, et ne pas être l’aîné devant Michèle, André et petit Claude. Pour moi, cela changerais tout car je pourrais continuer d’aller à l’école. Au lieu de ça, il va désormais falloir que je reste à la ferme pour travailler avec papa et maman aux champs et aux vaches. C’est pas que je ne veux pas les aider, je comprends bien qu’il faut nous faire vivre tous les sept avec mémé qui ne peut plus marcher comme avant. Mais j’aime tellement l’école, lire, écrire, compter, apprendre et découvrir des nouvelles choses. Même si je ne suis pas le meilleur de la classe, j’aime travailler et réussir à gagner des bons points. J’ai déjà une belle collection d’images ! Mais dans quelques jours, tout cela sera terminé, et je ne reviendrai plus m’asseoir derrière le pupitre, je ne sentirai plus l’odeur de l’encre et du bois, je ne lèverai plus le doigt pour répondre aux questions du maître. Cela me rend vraiment triste et tu vois à quel point j’aurais aimé avoir un grand frère ! Amitiés, Jacques. »