Destination : 182 , A table !
C'est pas d'la Tarte !
- Bonsoir mesdemoiselles, bonsoir mesdames et bonsoirs messieurs, vous tous qui suivez attentivement notre émission derrière votre poste. Bonsoir à vous, mon cher Jean-Bernard…
- Bonsoir André, bonsoir à tous nos auditeurs. Nous sommes en direct pour une grande soirée qui débutera dans quelques minutes et nous serons aux premières loges pour apercevoir les invités dès leur arrivée…
- C’est tout à fait exact, Jean-Bernard, puisque nous nous trouvons actuellement dans un délicieux boudoir attenant à la Galerie des Glaces et Sorbets de ce magnifique château de Chambourcy (oh oui !), juste en face de l’immense voute de la grande entrée.
- Permettez-moi, mon cher André, de rappeler à tous ceux qui nous écoutent que nous sommes là pour assister à cette immense soirée, bien plus importante que tous les bals princiers ou de débutantes de la plus haute aristocratie, puisque nous allons assister au Grand Bal annuel des Desserts, qui cette année accueille la crème des crèmes…
- Je vous coupe Jean-Bernard, excusez-moi, mais voici que la grande reine fait son entrée… Remarquez, cher ami, sa tenue impeccable et sa blancheur virginale ! Elle est Fraîche, c’est indéniable, et l’on a du mal à croire en la voyant qu’elle est la doyenne de la soirée… Quand on pense qu’une fresque sumérienne, datant de 2500 ans avant JC atteste de son existence ! Remarquez, ce n’est pas étonnant, quand on connait la simplicité enfantine de sa préparation : laisser reposer le lait fraîchement trait ! Il y a fort à parier que nos ancêtres du paléolithique, précurseurs de l’élevage il y a quelques 10 000 ans, eurent tôt fait de la découvrir…
- Vous avez parfaitement raison, André. Mais elle est restée longtemps discrète, du fait de sa rareté et de sa valeur, car elle ne supporte que les chambres climatisées. Mais je vois qu’elle n’est pas venue seule, elle est accompagnée de son arrière-arrière-arrière petite fille, Fleurette, dont le nom évoque toujours pour moi les vaches rousses, blanches et noires sur lesquelles tombe la pluie et les cerisiers blancs made in Normandie…
- Je vous interromps de nouveau, pour annoncer à nos auditeurs l’arrivée de son altesse la marquise de Chantilly. Elle suit de près sa royale cousine, dont elle est la cadette puisqu’elle n’est âgée que de trois siècles à peine ! Dès sa naissance, dans ce château qui porte son nom, elle a conquis les plus grands de ce monde et fait les délices du Roi Soleil lui-même. Admirons son élégance, typiquement française : d’une fermeté sans égale tout en restant légère malgré le sucre, sa robe blanche parsemée d’infimes points de vanille, lui conférant ce parfum capiteux qui fait fondre ses admirateurs.
- A sa suite, dans un tout autre registre, et nous reconnaissons bien là toute la distinction de sa terre natale (so british !), voici la duchesse Anglaise, vêtue d’une splendide robe ivoire d’une fluidité parfaite et laissant dans son sillage une fragrance vanillinée alléchante. A l’image de la grande Elizabeth II, dont elle représente ce soir les couleurs, elle est coiffée d’un incroyable chapeau de Neige, striée de quelques liserés de caramels croquant. Saluons le génie et le savoir-faire de son créateur, car il s’agit là véritablement de Haute Couture, nécessitant une grande délicatesse et une observation minutieuse.
- Et voici qu’arrivent nos belles représentantes des terres lointaines, Café de Madagascar et Chocolat des Antilles. Parées de couleurs chatoyantes, les deux belles rient à gorges déployées, laissant entrevoir toute la richesse et la générosité de leur caractère. Certains, dit-on, s’en amourachent au point de ne plus pouvoir s’en passer… enfin, c’est ce que l’on peut lire dans certains journaux à scandale de la presse people, toujours prête à faire un flan d’une broutille !
- Oui André, ne prêtons pas attention à ces ragouts de mauvais goûts, ces soupes éventées ne vont pas gâcher notre soirée… et tenez, admirez maintenant la fière ibère qui entre, sur une musique flamenco endiablée… La Señora Catalane, au subtil parfum d’agrumes et de cannelle, dont le regard noir et altier brûle tous ceux qui osent l’approcher d’un peu trop près à son goût. Olé !
- Mais dites-moi Jean-Bernard, quid de sa grande rivale, la Duchesse Brûlée ? Elles semblent pourtant tellement semblables … on dirait presque qu’elles sont jumelles !
- Oh là là, André, surtout ne vous amusez pas à tenir ce discours en leur présence ! Elles vous sauteraient sur la poêle et vous passeriez un mauvais quart d’heure sur le grill !!! C’est justement la raison de leur animosité puisque chacune reproche à l’autre de l’avoir copié et elles n’ont de cesse que de souligner leurs différences : l’une préfère la chaleur du bain-marie et la douceur de la vanille, tandis que l’autre ne jure que par le feu et la cannelle. Tenez ! Voyez la duchesse qui arrive à son tour et admirer leur virtuosité pour ne pas se croiser…
- Après l’Espagne, voici l’Italie et son cortège de Dames Glacées, moulées dans de sublimes robes-cornets mettant parfaitement en valeur leurs formes sublimes… Fraise, vanille, Citron,… chacune porte un parfum alléchant qui fait converger les regards gourmands dans leur direction … Mamma Mia !
- Un peu de Limoncello pour vous remettre de vos émotions, mon cher André ?
- Pardonnez-moi Jean-Bernard, j’ai toujours eu un faible pour les belles italiennes…
- Et bien remettez-vous, car voici maintenant trois fleurons de notre territoire. Pas toujours digestes, un peu lourdes même, mais elles portent haut les couleurs de la gastronomie française et à ce titre, leur place ici reste indiscutable. Voyez la déférence avec laquelle elles sont accueillies, il s’agit des Grandes Demoiselles Pâtissière, Beurre et Frangipane.
- Je pense que tout les invités sont maintenant arrivés, n’est-ce-pas Jean-Bernard ?
- Attendez, André, je vérifie ma liste… oui, Madame des Raisins s’est excusée, elle avait un peu abusé de rhum avant de venir. Quand à la Comtesse Renversée, elle n’est pas arrivée à se remettre debout. La liste est complète, et nous pouvons rendre l’antenne en remerciant nos auditeurs de nous être restés fidèles tout au long de cette inoubliable soirée riche en émotions …
- …
- André ?
- … euh oui … Jean-Bernard, vous croyez que je peux aller demander un autographe aux italiennes avant de partir ? Vous voulez bien m’accompagner, c’est que je suis timide, vous savez…
- Mais enfin André, vous ne croyez tout de même pas que je vais venir avec vous importuner ces demoiselles ? Vous savez de quoi nous aurions l’air, vous, avec vos yeux en marmelade et votre tête de jambon chiffonné et moi, tout embêté d’être là ? De deux Flans de légumes !!! Allez rentrons, maintenant !