Destination : 260 , Enmêmetempstisme
Le Photographe des songes (2)
En même temps, comment protéger quelqu’un contre sa volonté ? C’était la toute la difficulté de la situation dans laquelle je me trouvais depuis exactement 4 ans, 6 mois et 53 jours. Il faisait gris et froid ce matin-là, et le vieux Rosco embarquait sur le navire de pêche de son patron. Je l’avais accompagné alors qu’il faisait encore nuit, nous avions laissé Sara dormir dans l’appartement. Ce n’était plus une enfant, désormais, elle pouvait rester quelques heures toute seule. Les consignes de marin furent identiques aux fois précédentes : veiller sur la petite, la protéger… surtout maintenant qu’elle devenait une femme.
Il est parti sur l’océan et son bateau n’est jamais revenu au port. Aucune trace du bâtiment ni de ses occupants. C’est là tout le drame de ces naufrages pour ceux qui restent : les disparus ne sont pas morts mais en même temps, ils ne sont plus vivants.
Sara est forte, plus forte que nous tous mais quand même, ça lui a foutu un coup. Après sa mère, c’était son père qui l’abandonnait. Salauds de parents ! Elle a eu du chagrin, de la colère, surtout de la colère. Même à moi, elle m’en voulait, comme si c’était moi qui avais emmené son père vers son destin. En même temps…
J’ai eu peur à cette période. Vachement peur qu’elle ne fasse une connerie ou se mette à se droguer. Bon, je peux dire maintenant qu’elle ne s’en est pas trop mal sortie. Foutu caractère ! C’est à cause de lui qu’elle s’était parfois fichue dans le pétrin mais, en même temps, c’était aussi grâce à lui qu’elle s’en était toujours sortie, seule ou avec mon aide. Qu’en était-il cette fois ?
Voilà ce à quoi je pensais en me tournant et me retournant dans mon lit. Était-ce le mauvais vin qui me remuait la tête ? Je ne savais que penser de ce type, ce Sándor. Je n’arrivais pas à décider qu’elles étaient ses intentions vis-à-vis de Sara : amicales ou hostiles ? Je ne m’expliquais pas non plus d’où venait mon trouble, ma fascination pour cet homme.