Destination : 284 , Testaments
Parchemin
Je suis né secrètement, dans la chaleur de la terre, au creux d’un hiver sans neige, il y a de cela vingt-cinq ans. J’ai émergé du sol, étirant mes brindilles au soleil d’été, ancrant mes racines dans les entrailles nourricières du pays qui m’avait accueilli. Mon tronc s’est élancé, mes branches se sont déployées, des feuilles m’ont recouvert au printemps pour me laisser nu en automne. J’ai grandi dans l’insouciance, dans une Lande qui m’offrait chaque jour son spectacle changeant, sa lumière mouvante, sa rassurante présence. J’ai suivi le rythme des saisons, le regard vers le ciel, grisaille ou bleu d’azur, parfois même noir d’orage.
Ma croissance est maintenant terminée, je n’ai plus qu’à vieillir. Mais je ne suis pas né pour cela, mon destin était déjà tout tracé. L’air s’électrise soudain, une tronçonneuse vibre à mes pieds. Je tombe à terre lourdement et je meurs sans un cri. On me dépèce, on me découpe, on me transporte. Séchage au soleil, deux hivers passent, puis vient l’été. Je suis aplati, pressé. Et je reviens au monde.
Je me suis réveillé entre des mains tremblantes. Un stylo trace ses courbes sur ma peau.
Chemin de toute une vie, papier noirci,
Testament.