Destination : 290 , Dans la Lune !


Les Enfants de la Lune

Il fut un jour, il y a de cela bien des millénaires, où le monde n’était pas encore tout à fait le monde. Il n’en était qu’à ses premiers jours et, tel le nourrisson babillant et esquissant ses premiers sourires, il traversait son enfance à la fois tumultueuse et sereine.



Le Soleil, astre royal paré des pleins pouvoirs, veillait avec affection sur ses huit filles, qui tournaient autour de lui. Il y avait les petites dernières, qui ne s’éloignaient jamais trop de son champ de vision et il y avait les grandes, qui aspiraient déjà à plus d’indépendance.



Et parmi elles, indéniablement, il y avait sa préférée : la Terre. Il aimait sa générosité à s’offrir pour donner la vie, sa bienveillance naturelle à l’égard de ses protégés. Il aimait surtout son reflet si bleu que, lorsqu’il plongeait ses rayons vers elle, il se noyait dans son océan.



En ces temps d’insouciance, la Terre faisait déjà sa ronde autour du Soleil tandis que la Lune se tenait alors si près qu’en levant les bras au ciel, on pouvait presque la toucher. Terre et Lune vivaient en parfait harmonie, amies fidèles et inséparables, de jour comme de nuit.



Malheureusement, avec le temps, cette complexité qui avait fait leur force devint leur pire ennemie. Et peu à peu, inéluctablement, la Lune commença de s’éloigner de la Terre, arrachée de son champ d’attraction par la puissance de sa rotation.



La Terre gronda de colère, explosa en milles volcans, lacérant ses propres flancs pour y semer le feu et la désolation. Rien n’y fit. Le mouvement était irréversible et la Lune continua de s’éloigner. Alors, la Terre se figea, s’enveloppa d’un linceul de chagrin.



La Lune assista, impuissante, à cette longue agonie. Elle était désespéres mais ne pouvait rien faire pour aider son amie, autrefois si pleine de vie. Elle-même se sentait happée, emportée dans les ténèbres de la galaxie.



La Terre entra dans un hiver qui devait durer plus de cent mille millions d’années. Une éternité de glace, balayée de vents polaires, au cours de laquelle la moindre trace de vie se retrouva prisonnière de la nuit de gel. La Terre n’était plus que l’ombre d’elle-même.



Le Soleil, désemparé, ne pouvait se résoudre à abandonner ainsi sa fille préférée. Il réfléchit et décida d’infléchir le destin : puisqu’il ne pouvait pas empêcher la Lune de s’éloigner de son amie, il lui impulsa un mouvement circulaire.



La Lune, ainsi, se mit à tourner autour de son amie. Et ainsi, elles ne se quittaient jamais de vue. Voyant cela, le cœur de la Terre, qui n’avait jamais complètement cessé de battre, reprit ses pulsations rythmiques et volcaniques.



Il fallut compter quelques dizaines d’autres millions d’années pour qu’enfin, les rayons du soleil puissent à nouveau toucher le sol de la fille bien-aimée. Il en fallut au moins le double pour que ses flancs retrouvent la vie.

Myriam