Destination : 179 , Extraits naturels de rentrée


Elles n'ont que ça à faire !

BIOGRAPHIE :



Maëlle V., 28 ans, est actuellement en préparation de sa thèse de doctorat en Sociologie.

Morgane C., 26 ans, vient de terminer son Master en psychologie interculturelle.

Ensemble, elles ont effectué un travail de recherche universitaire portant sur les représentations de la femme au foyer dans notre société actuelle. Le point de départ de ce travail est une étude américaine récente (2011) dont les conclusions montrent que les mères au foyer sont plus fréquemment victimes de dépression. S’appuyant d’une part sur les recherches et les réflexions scientifiques des plus grands spécialistes sur le sujet et, d’autre part, sur les nombreux témoignages qu’elles ont recueillis, elles ont menées leur enquête pendant près de deux ans auprès d’hommes et de femmes aux profils différents. C’est de leur travail et de la rencontre avec eux qu’est née l’idée de ce livre, une façon de détourner avec humour cette phrase lourde de sous-entendu que toutes ont entendues au moins une fois : « Elle n’a que ça à faire ! ».

Elles en ont fait le titre de ce collectif, publié à Lyon, aux éditions Chroniques Sociales.







SYNOPSIS :



Selon l’encyclopédie Wikipédia : « la femme au foyer est le statut attribué à la femme au sein du couple, c’est elle qui réalise la majeure partie des tâches domestiques. La répugnance pour ce terme est telle que beaucoup de femmes préfèrent s’identifier avec leur profession, même si les heures effectuées au travail domestique dépassent largement celles du travail de leur métier. Le terme femme au foyer va avec celui de chef de famille, c’est-à-dire celui qui a le revenu le plus élevé (même si ce terme est rayé dans le Droit matrimonial, il existe encore dans les faits). La femme au foyer perd cette appellation en tant que veuve, femme divorcée ou parent isolé.»



Mêlant astucieusement références historiques et philosophique avec des petites histoires du quotidien, concepts pyscho-sociologiques et humour corrosif, cet ouvrage se présente comme un pied-de-nez aux idées reçues. Entre un modèle « naturaliste », (Edwige ANTIER « Le Courage des Femmes », Ed° R. Laffont, 2009) selon lequel le rôle de la femme est de rester à la maison pour s’occuper des enfants, en raison de son instinct maternel ; et un modèle féministe (Elizabeth BADINTER « Le conflit : la femme et la mère », Ed° Flammarion, 2010) qui dénonce le sacrifice de la femme sur l’autel de la famille, prônant la réussite professionnelle comme indispensable à l’épanouissement personnel ; l’objectif de cet ouvrage n’est pas de prendre parti pour l’une ou l’autre de ces théories. Il s’agit en effet avant tout de défendre le droit de chaque femme à faire ses propres choix, en fonction de son histoire personnelle, de son contexte de vie et de sa personnalité ; et que cette décision soit respectée par tous.



Après une rapide présentation de l’histoire de la condition des femmes et de l’évolution de la notion de famille au travers des âges à partir des principaux concepts philosophiques, historiques, sociologiques et économiques, nous découvrons les portraits de dix femmes (les prénoms ont été modifiés) qui ont en commun d’être ou d’avoir été ce qu’on appelle une « femme au foyer », que ce soit de façon temporaire ou permanente, à temps partiel ou à temps complet, par choix ou par obligation. Chacune va expliquer quand et comment cette petite remarque blessante et humiliante lui a été faite, et comment elle a réagi ou même rebondi dessus pour dépasser son sentiment de dévalorisation. Car ici, et pour une fois, machisme et féminisme se retrouvent sur un point : le mépris affiché pour ces femmes qui, selon eux, démontrent par ce choix leur idiotie ou leur infériorité, selon le point de vue de départ.







EXTRAIT (préface des auteurs) :



«Tu comprends, j’ai mon travail… » « Ben oui, vous avez le temps, vous. » « Toi, ca te dérange pas, n’est-ce pas ? » « T’as rien d’autre de prévu de toutes façons ! » « J’ai autre chose à faire, moi »



Qu’il s’agisse de l’employé de la CAF, de l’instituteur du petit dernier, du mari qui rentre du travail, de la belle-mère, de la belle-fille, de la sœur, du meilleur ami, du papa du copain, du président du club d’échec de l’aîné, du chef de service qui justifie ainsi une exigence de disponibilité, peu importe : à un moment de leur vie, les femmes que nous avons rencontrées au cours de notre recherche ont toutes entendu cette phrase assassine, prononcée tantôt par jalousie, tantôt par mépris mais avec pour point commun la culpabilisation de celle qui s’entend un jour dire, au détour d’une conversation banale, qu’après tout, « elle n’a que ça à faire ! ».

Ce qui nous a marqué dans nos rencontres avec ces dix femmes volontaires, c’est la façon dont elles arrivaient à tourner cette humiliation en dérision. Au fil du temps, c’est même devenu un jeu entre elles ! C’est ce qui leur a donné envie d’en faire un recueil (et nous avons été ravies de les accompagner dans cette aventure) afin d’aider d’autres femmes à prendre de la distance avec ce regard d’autrui qui peut devenir destructeur.



Au fil des pages, vous découvrirez la bonne humeur de Fatou, 38 ans, qui vit dans une petite ville de province, seule avec ses deux enfants depuis qu’elle a quitté son mari infidèle. Après avoir passé des années à la maison, elle a été du retrouver un travail pour pouvoir les garder auprès d’elle.



Vous rencontrerez également Katia, 30 ans, jeune femme de nationalité polonaise qui use toute son énergie à essayer de comprendre les méandres de notre administration tandis que son compagnon peine à faire reconnaitre en France les diplômes obtenus dans son pays.



Vous suivrez le parcours de Mélanie, 21 ans, fille-mère à 16 ans avant de devenir mère-célibataire le jour de sa majorité, grâce aux très efficaces catégorisations socio-administratives. Après avoir passé quatre ans auprès de sa petite fille, elle a suivit une formation de menuisier et travaille maintenant dans un atelier où elle est la seule femme.



Il y a Sandrine, 37 ans, qui après avoir passé quinze ans dans la même boite est partie sans demander son reste, après avoir subi des mois de pressions et de harcèlement, à la naissance de son deuxième enfant. Elle a alors choisi de stopper toute activité en prenant un congé parental, pour lui permettre de reprendre confiance en elle et en ses capacités professionnelles.



Vous découvrirez le quotidien de Virginie, qui travaille à domicile comme assistante maternelle, dont les journées commencent à 7h30 et finissent à 19h30, et qui raconte avec beaucoup de souffrance combien il est difficile pour elle de concilier vie privée et vie professionnelle dans un même espace.



Il y a Sophie, 42 ans, au chômage depuis deux ans et qui a du mal à accepter cette inactivité, d’autant plus qu’elle exerçait une profession qui la passionnait et dans laquelle elle s’épanouissait complètement. Son statut de mère au foyer lui pèse et lui donne un sentiment d’inutilité qui la conduite, il y a quelques mois, jusqu’aux portes d’une dépression dont elle commence à se remettre.



Il y a Isa, 38 ans qui a choisi de rester à la maison pour s’occuper de ses trois enfants. Elle raconte en riant que, déjà toute petite, lorsqu’on l’interrogeait sur ce qu’elle voulait faire plus tard, elle répondait que quand elle serait grande, elle serait « maman » !



Il y a Béatrice, 44 ans, mère d’une famille de huit enfants âgés de dix à vingt ans, qui considère que c’est son rôle de femme et d’épouse de s’occuper du quotidien et de l’éducation des enfants. Elevée comme son mari dans ce schéma familial, elle n’a jamais éprouvé le besoin de le remettre en cause ou de le modifier, hormis le passage du vouvoiement au tutoiement des parents par leurs enfants.



Il y a Michèle, grand-mère jeune retraitée qui s’occupe de ses petits-enfants plusieurs fois par semaine et qui a parfois du mal à dire « non » à ses enfants qui la sollicitent sans toujours s’enquérir de ses projets ou de ses envies personnelles.



Il y a enfin Laetitia, 38 ans qui a choisi d’arrêter de travailler à l’arrivée de ses deux enfants, frère et sœur adoptés au Cambodge à l’âge de 6 mois et 2 ans. Après des années de tentatives pour avoir un enfant, d’abord naturellement puis par fécondation artificielle ; après les longs mois de démarches et d’attente pour la procédure d’adoption ; elle a voulu profiter pleinement de son rêve de fonder une famille enfin réalisé.





Ce ne sont ni des victimes, ni des héroïnes. Simplement des femmes, comme vous et moi, et nous espérons que vous aurez plaisir à découvrir leur histoire, leur force et leur fragilité, leur sincérité et leur gentillesse et surtout, leur incroyable optimisme.



Parce-que, non, elles n’avaient pas que ça à faire mais qu’elles l’ont fait quand même, et avec une incroyable générosité, nous les remercions du fond de notre cœur d’avoir accepté de venir à nos rencontres mensuelles pour nous permettre de mener à bien notre travail universitaire. Et nous espérons que ce petit recueil, rédigé dans une ambiance et une bonne humeur formidable, leur permettra de continuer à avancer dans la voie qu’elles ont choisie.



Une dernière précision : notre rechercher universitaire de départ portait sur un échantillon de 50 personnes, dont 42 femmes et… huit hommes. A notre grand regret, aucun d’eux n’a souhaité participer à ce petit recueil. Poids du regard social ?

Myriam