Destination : 252 , Zoom corporel


Flou Artistique

Ce qu’il y a de parfait chez moi, ce sont mes yeux. Et cela ne date pas d’hier, oh non ! Mes parents s’en sont rendu compte très vite, je devais avoir à peine cinq ou six ans…

D’abord, ils se sont inquiétés, évidemment, comme n’importe quel parent devant la découverte brutale d’un don extraordinaire chez sa progéniture. « Mais que va-t-elle devenir ? »… « Comment va-t-elle s’en sortir ? »

J’avoue que moi-même, dans toute l’innocence et l’incompréhension de mon enfance, je n’étais pas tranquille. Et si tout cela finissait tragiquement, dans un brouillard permanent ou même une nuit sans fin ?

Heureusement, nous ne sommes plus au Moyen-âge et, rapidement, l’ophtalmo est devenu mon meilleur ami. Celui qui, année après année, relevait mes résultats, mes scores de plus en plus vertigineux au fur et à mesure que je grandissais. Je battais tous les records !!!

Je me dois d’être honnête : il m’a fallu du temps pour comprendre que cette particularité n’était pas une malédiction, pas même un handicap. Et si, dans mes premières années, je me suis sentie complexée par ce qui me semblait être un défaut repoussant, j’ai peu à peu appris à composer avec.

Bien sûr, il a fallu passer le cap du « têtard à lunettes » ; puis celui de « l’intello à binocles » ; et enfin celui de « filles à lunettes, filles à … ». Mais finalement, cela m’a appris à être forte, à savoir sourire pour ne pas montrer que j’étais blessée, à rester au-dessus des nuages (ce qui n’étais pas vraiment compliqué pour moi).

Et aujourd’hui, j’en suis convaincue : mes yeux me donnent un pouvoir extraordinaire…

Imaginez… il me suffit de retirer mes lunettes pour ne plus percevoir la laideur, la saleté, les regards mauvais, les sourires moqueurs… Les yeux nus, je me retrouve dans un monde flou dans lequel chaque silhouette est auréolée d’un halo lumineux. Nul besoin de Photoshop pour me retrouver enfermée dans une espèce de bulle poétique personnelle…

Et puis (mais ne le répétez à personne), je n’ai même pas besoin de faire semblant de ne pas reconnaitre quelqu’un à qui je n’ai pas envie de dire bonjour…

Pour rien au monde je ne succomberai au chant des sirènes des beautés sur papier glacé, par le port hypocrite de lentilles invisibles ou pire, une opération de laser esthétique…

Non, décidément, j’en suis absolument certaine : mes yeux sont parfaits. Je suis myope, d’accord. Myope comme une taupe, certes, mais une taupe-modèle !

Myriam