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Homo Arbore

Il se déplie doucement, s’étire sous le soleil pâle du printemps. Il s’ouvre à peine au monde, il lui faut du temps pour observer, trouver sa place parmi les autres. Il y a ceux qui veillent tendrement sur ses premières découvertes, ceux qui sont indifférents ; ceux qui patiemment vont lui transmettre leur savoir, répondre à ses question, l’aider à comprendre et à interpréter son environnement, ses besoins, ses désirs, ses sentiments. Le chemin sera peut-être chaotique, semé d’embuches et il grandira un peu de travers, ou un peu à la marge. Mais il grandira, car il n’a pas le choix : dès sa naissance, son regard se tourne vers les étoiles.

La chaleur se fait plus lourde tandis qu’il se transforme lentement au zénith de l’été. Son innocence a fait place à des envies plus aigües : soif de liberté, d’expériences nouvelles. Il aimerait voir ailleurs, autrement, rencontrer des êtres de son espèce, à la fois semblables et différents. Ecouter les chants des oiseaux : parlent-ils partout la même langue ? Parfois il se sent pris au piège, enraciné dans un espace qu’il n’a pas choisi, un espace qui devient trop étroit. Alors il déploie ses membres et sa carcasse en un mouvement encore hasardeux mais bientôt, il le sait, il les dépassera tous : son regard se portera jusqu’aux étoiles.

Les nuits se font plus courtes et la douceur de l’automne se glisse jusque dans ses pensées. Il se sent apaisé, il est en accord avec ce qu’il est devenu. Il se sait imparfait, mais il est lui-même, fait de ses rêves et ses élans de jeunesse. Et puis, il est fort d’une mission qui le remplit de bonheur et de fierté : il veille sur de jeunes pousses, encore trop faibles pour s’élancer au grand air, leur tour viendra bien assez tôt. En attendant il se gorge de leur tendresse et les protège des brouillards qui peuvent parfois nous perdre. Car il sait maintenant, que l’important est de pouvoir toujours poser son regard sur les étoiles.

Le silence et le froid de l’hiver ont déposé un manteau blanc sur ses épaules. Il ploie sous le poids des ans, de la vie qui s’échappe. Ses souvenirs le ramènent souvent vers le passé, il compte ses erreurs, sourit de ses joies, ressasse quelques regrets. Il tremble un peu, imperceptiblement, et les choses s’échappent parfois de ses bras maigres ou de ses longs doigts osseux. Sa mémoire aussi parfois semble se dérober. Il sent que le moment arrive, il sait que c’est pour bientôt, sa silhouette courbée se couchera bientôt sur le sol pour rejoindre ses ancêtres. Mais il est confiant car son regard rejoindra enfin les étoiles

Myriam