Destination : 230 , Mon ami Roald


La potion magique de la sorcière Myriam (4)

Mon rêve se réalisait enfin. Après tant d’années d’absence, je revenais vivre dans cette petite maison, là où je m’étais toujours sentie chez moi. Mais aujourd’hui, ce n’était plus un rêve mais bel et bien une réalité : j’étais chez moi, ou plutôt, nous étions chez nous ! Cinq ans après notre première rencontre, à ce même endroit, nous emménagions dans la petite maison que nous rénovions de nos propres mains.

Le souvenir des quelques jours que j’avais passés là, seule au monde ou presque, est l’un des plus beaux et des plus étrange que je garde en mémoire. Ma cueillette des feuilles de noisetier, pour commencer, sur l’arbre qui poussait au milieu de l’ancienne salle à manger, puis mes promenades en campagne pour dénicher une belle branche odorante de chèvrefeuille et, enfin, mes acrobaties pour réussir à capturer trois abeilles, sans savoir ce que l’auteur de la recette entendait exactement par « bourdonnantes ». Si quelqu’un m’avait observée, il m’aurait assurément prise pour une folle !

Mais le meilleur était à venir ! Enfin, la lune se leva et je commençai ma préparation, suivant scrupuleusement les indications données sur la recette. Je dois avouer que cela fut assez facile, même pour la piètre cuisinière que j’étais alors. Deux jours plus tard, ma potion était prête et soigneusement embouteillée. Restait à savoir qu’en faire ! Je n’avais aucune idée de son utilisation, ni des quantités exactes. Les 6 utilisations indiquées sur la recette me semblaient relativement vagues, habituée aux longues notices des boites de médicaments, je m’interrogeai sur le dosage, le mode d’absorption, la fréquence des prises du produit et, surtout, sur les éventuels effets indésirables. D’autant que l’avertissement souligné au bas de la recette était on ne peut plus clair !

Ma curiosité fut la plus forte. Cependant, me souvenant d’une émission vue sur les plantes sauvages indiquant que les plantes réellement mortelles étaient assez rares en fait, que la toxicité était plus souvent une affaire de dosage, je décidai de procéder par petites doses. Une gorgée pour commencer, puis un peu plus, afin d’observer les effets ressentis. Le résultat fut sans appel : absolument nul ! Tout au plus, ressentis-je une petite accélération cardiaque mais, comme il se manifesta en même temps que le charmant fils du voisin, je ne sus jamais exactement s’il était dû à ma potion ou mes émotions.

Ce qui s’avéra par contre parfaitement clair, ce fut l’attirance réciproque que nous éprouvions et éprouvâmes quelques heures plus tard, sous la lune qui recommençait sa course. Nous avons ensuite continué de nous voir, jusqu’à ce que je décide de venir le rejoindre ici. Et, quand plus tard, nous décidâmes d’avoir un enfant, nous souhaitâmes également avoir un « chez nous » pour l’accueillir. La petite maison de ma grand-mère nous sembla être une évidence : c’était là que nous nous étions rencontrés et, d’une certaine façon, elle nous appartenait déjà un peu à tous les deux.

Nous commençâmes les travaux et réussîmes même à conserver le noisetier, transformant l’ancienne salle-à-manger en une cour intérieure fraîche et ombragée. J’aurai également souhaité ne pas modifier la cuisine, je caressai même l’espoir de pouvoir reproduire à l’identique celle que j’avais connu mais la voix de la sagesse eut raison de mes lubies. Je me résignai donc à la voir se transformer, à commencer par l’antique cheminée de pierre qui trônait dans la pièce et qui allait être transformée pour accueillir un poêle moderne et efficace pour chauffer la maison.

C’est alors que le destin m’envoya de nouveau un signe et même (je le découvris plus tard), la clé du mystère. Ce matin-là, mon amoureux avait attaqué les travaux sur la cheminée, heurtant chacune des pierres ancestrales pour en tester l’étanchéité et la solidité. Nous découvrîmes ensemble que l’une d’entre elles sonnait creux et, en s’appuyant dessus, nous découvrîmes qu’elle bougeait légèrement. Il dégagea le mortier tout autour et, dégagea enfin la pierre avec précaution. Derrière, il y avait une cache, semblable à toutes celles qu’on peut trouver dans les vieilles fermes de Gascogne, pour y mettre l’argent du marché, les bijoux du grand-père ou les papiers importants. Dans celle-ci, il n’y avait qu’un petit carnet, un maigre cahier d’écolier qui s’avéra être un cahier d’écolière sur la première page duquel était écrit : Journal de Mathilda, été 1916. Ce cahier dormait là depuis 100 ans !

Myriam