Destination : 184 , Apocalypse Now


Des Comptes et des Pressions

00h20 : je me réveille en sursaut pour me rendre compte que je viens à peine de m’assoupir… la lampe de chevet est encore allumée et mon livre a gentiment glissé le long de la couette pour atterrir sur le sol. Zut ! J’ai encore perdu la page ! Remarque, ça n’aura bientôt plus d’importance, parait-il …. Je repense à cette satanée prédiction maya, en me demandant avec angoisse quelle heure peut-il bien être au Mexique, en cet instant précis… J’épie les moindres bruits de la maison, je me relève pour aller regarder les enfants dormir, je me recouche en prenant des mots croisés force XXXL (très efficace habituellement pour m’assommer). Mon conjoint se tourne en râlant, soi-disant que je l’empêche de dormir ! D’autorité, il éteint la lumière en m’ordonnant de me coucher. Il est facile, lui ! JAMAIS je ne vais y arriver…

6h45 : Ben finalement si, j’y suis arrivée ! J’ai même du mal à émerger de mon sommeil en entendant le réveil… soudain la voix des chroniqueurs arrive à mon cerveau : « Bienvenue sur France Inter, journée spéciale fin du m… ». Alors là ça y est, pour le coup je suis parfaitement réveillée ! Je regrette un peu que rien ne se soit produit dans mon sommeil. Bon, il va falloir faire face… J’ouvre les volets, quelques moineaux s’envolent pour se poser dans l’arbre. S’ils sont encore là, c’est plutôt bon signe, non ?

8h55 : Si, si, j’y tiens. Ce matin, les enfants ne prennent pas le car, je les accompagne moi-même à l’école. Bon, ils en ont un peu marre de m’entendre dire que je les aime et que je veuille leur faire des bisous et des câlins à tout bout de champ. Dans la voiture, j’écoute la chronique de François Morel (j’adore) mais j’éteins tout quand j’entends mon fils de sept ans me demander d’une voix tremblante « C’est vrai que le père-noël ne va pas passer parce-que c’est la fin du monde ? ». J’hésite un instant devant le portail : « Et si je les gardais avec moi aujourd’hui ? ». Je m’apprête à tourner les talons avec mes trois loulous quand une maman arrive avec sa fille… Je vais quand même pas me ridiculiser !



10h20 : je suis au boulot depuis plus d’une heure, rien ne semble vouloir se déclencher. Bon, c’est vrai, les collègues m’ont regardé bizarrement tout à l’heure, quand j’ai plongé sous la table au passage d’un avion militaire, un peu plus bas que d’habitude, et produisant de sourdes vibrations qui ont renversé ma boite de trombones. J’ai fait semblant de chercher un stylo, mais je crois qu’ils ont commencé à se poser des questions … Heureusement, aujourd’hui, je termine à midi !

12h30 : J’entre dans la voiture et j’allume fébrilement la radio pour avoir des nouvelles : une météorite est-elle tombée quelque part ? La montagne s’est-elle ouverte à Bugarach ? Un nouveau virus mortel et très, très, très contagieux (encore plus que la grippe A) est-il en train de se propager à la vitesse de la lumière ? J’écoute anxieusement… non, c’est le Jeu des Mille Euros. Ouf ! Pour l’instant, tout va bien !

15h30 : Voilà une heure que je suis garée sur le parking, derrière l’école, pour être sur place à la moindre alerte. Depuis ce matin, il pleut des trombes d’eau… et si nous devions faire face à un nouveau déluge ? Moi qui ne sait même pas clouer deux planches, comment vais-je faire pour construire une arche ? Je sors de la voiture en courant et fonce vers le petit Tabac-Presse au coin de la place de la Mairie. J’achète le journal et quelques friandises (fraises, réglisses, bananes, crocodiles…) pour me requinquer et je reviens dans mon abri pas atomique. Je me jette sur les bonbecs et sur la dernière page du canard pour connaître les prévisions météo des prochains jours. Non, c’est bon, cela devrait se calmer.

16H30 : C’est la sortie, je récupère mes loulous excités et fatigués, pas du tout stressés. Vive les vacances, et bonne fêtes à tous ! Un petit mot par-ci, un petit mot par-là… J’installe ma petite troupe dans la voiture et je file dare-dare à la maison en me disant « Au moins, ils seront avec moi… ». Oui, oui, mes chéris, aujourd’hui, vous pouvez manger tous les chocolats du calendrier… Pourquoi ? Ben, parce-que c’est les vacances, pardi ! On va fêter ça quand même ! Et ce soir, on se fait même une soirée TV avec pommes-noisettes et croque-monsieur ! Allez, dès que votre père arrive, on commence la fiesta !

19h00 : ça y est, leur père est rentré du travail… pendant qu’il profite de ces quelques instants pour jouer avec eux, je récupère discrètement mon sac de voyage dans le coffre de la voiture et je le pose dans l’entrée. Je refais un rapide inventaire : quelques vêtements, les doudous (il faut absolument que je pense à les remettre sur les lits avant de coucher les enfants), nos papiers, un peu d’argent, des rouleaux de PQ, une lampe dynamo, des bougies, des allumettes, une trousse de toilette et une pharmacie d’urgence complète. Pour l’instant, je laisse les deux packs d’eau et la glacière contenant de la nourriture dans la voiture. On ne sait jamais !

21h00 : J’ai réussi à avaler quelques bricoles, pour faire bonne figure devant les enfants. Par contre, je me suis enfilée pas moins de trois apéros, devant le regard interloqué de mon conjoint qui se demandait quelle mouche m’avait piquée ! Et, après avoir lu une histoire et chanté une chanson, et une autre histoire et une autre chanson, allez, d’accord pour une dernière histoire et une dernière chanson… j’ai mis les enfants au lit. Les infos n’ont rien annoncé, mais bon, est-ce qu’ON nous dirait vraiment quelque-chose, au risque de créer un mouvement de panique ? J’en doute… Allez, je vais regarder la TV pour essayer de penser à autre chose. Et me resservir un tout petit apéro…

00h00 : Ouf ! C’est la fin de la fin du monde… je respire enfin et je vais pouvoir aller me coucher. Oh, là, là quelle trouille !!! J’ai eu tellement peur que j’en ai encore mal au ventre… à moins que je ne sois malade ? Un ulcère comme mon père, ou même une tumeur… peut-être un cancer, qui sait ? Bon, je rallume la lumière…

Myriam