Destination : 219 , effet papillon


L'effet papillons

22h30, vendredi soir, elle tourne en rond dans l’appartement. Les minutes semblent durer des heures… La table est mise, le couvert aussi. Un plat de pâtes attend sagement au chaud dans le four. Une bouteille de vin est ouverte. Tout est prêt pour un repas en amoureux…

Son amoureux, depuis quelques semaines, à peine trois mois. Les semaines passées loin l’un de l’autre sont si longues… et les retrouvailles du vendredi un vrai feu d’artifice.

Elle guette les mouvements dans le couloir, il n’y a aucun bruit dans l’appartement, juste une musique, leur musique, celle d’un cd de chansons de variété italienne, bluettes pour midinettes mais surtout clin d’œil à ses origines familiales.

C’est promis, un jour, ils iront en Italie… Pour le moment, ils remplissent leur vie de projets, leurs projets de rêves et leurs rêves d’envie. Ils ont tellement de temps devant nous, 25 ans seulement !

Elle m’assoit sur le canapé, se relève, vérifie encore une fois que tout est en place. Elle est en ébullition…

Un rai de lumière apparait soudain sous la porte : quelqu’un est dans le couloir. Au vu de l’heure tardive, aucun doute, c’est lui il arrive… Les ailes du désir frémissent dans son ventre, sa gorge se noue, ces instants sont un délice : c’est l’effet papillons….



15 ans ont passé. Cela fait plus de dix ans qu’ils vivent ensemble. Les soirées en amoureux s’éloignent dans leurs mémoires aussi vite que leurs enfants grandissent. « C’était quand déjà ? Tu te souviens ? »

A l’aube de la quarantaine, quels rêves ont-ils réalisé ? Les habitudes sont installées, le quotidien, banal et ronronnant, a envahi leurs vies. L’exaltation des premières années a peu à peu cédé la place, ils ont traversé des hauts et des bas, des périodes de doutes ou de colère, de joie et de bonheur intense aussi.

La journée s’achève, une journée de boulot bien remplie, demain c’est le we. Elle s’active pour aller chercher les enfants à l’école, pour ne pas être en retard au moins une fois dans la semaine. Le marathon continue. Elle ouvre la portière de la voiture, met le contact. La radio, laissée en marche quand elle a coupé le contact ce matin, se met aussitôt en route. Son élan est stoppé d’un coup tandis que résonne dans l’habitacle une voix suave :

« Ti amo, In sogno, Ti amo, In aria, Ti amo, se viene in testa vuol dire che basta… ».

Le temps semble disparaitre… elle se revoit et elle le revoit, lui, son amoureux. En un instant tout lui revient : les images, les attentes, le désir… l’effet papillons.



La chanson se termine, elle n’a pas bougé. Elle sourit bêtement en regardant devant elle d’un air vague. Elle pense à lui, elle pense à eux, à tout ce qu’ils voulaient faire, à tout ce qu’ils ont finalement fait, à leurs rêves, à leurs envies, à leurs projets, à leurs désirs, leur désir.

Elle revit les moments si intenses qu’ils ont partagés, tant de souvenirs qu’on laisse parfois s’envoler, trop pris par la vie, toujours à courir après le temps. Ils ont vieilli, ils ont changé, leurs corps portent la trace des années écoulées mais elle se rend compte, à cet instant-là, comme une fulgurance, qu’il reste encore et toujours son amoureux.

Elle ne sait jusqu’à quelle prochaine étape leurs pas resteront liés l’un à l’autre mais elle réalise qu’il leur reste encore du temps pour partager de belles choses. Tant que durera l’effet papillons…





« Ma tremo davanti al tuo seno,

Mais je tremble devant ton sein,

Ti odio e ti amo,

Je te hais et je t'aime,

È una farfalla che muore sbattendo le ali,

C'est comme un papillon qui meurt en battant des ailes »

Myriam