Destination : 289 , Etats seconds


Hypnose

- Monsieur Pappermain, écoutez bien ma voix. Je vais compter jusqu’à 4 et ensuite, vous allez ouvrir les yeux… Un… deux… trois… et quatre….



- … Que s’est-il passé ?

- Je crois bien que vous avez un peu dormi.

- Ah vraiment ? Je ne m’en suis pas rendu compte…

- Ce n’est pas grave.

- Où sommes-nous ? Il me semble connaitre cet endroit mais… Suis-je déjà venu ici ?

- Vraisemblablement. En tous les cas, vous y êtes actuellement.

- Ah, c’est énervant ! Cette maison, la vue par la fenêtre, le petit guéridon juste à côté, cette table et même… même cette odeur ! Tout cela m’est étrangement familier mais impossible de savoir précisément à quelle occasion je suis venu ici.

- Soyez patient, cela finira par vous revenir.

- Mais, d’ailleurs, vous, qui êtes-vous ? C’est pareil, j’ai le sentiment de vous connaitre… Vous êtes… ?

- Mon nom ne vous serait pas d’un grand secours et, de plus, il est assez fluctuant. En ce qui vous concerne, disons que vous pouvez m’appeler « Monsieur Philippe ».

- Philippe ? C’est un nom ou un prénom ?

- Comme vous voulez.

- Ah mais dites, vous êtes bizarre vous ! Vous faites mine de répondre à mes questions mais en fait…. AH ! C’est pas possible !!!

- Que se passe-t-il ?

- Là, dans le jardin… cette fillette… ce n’est pas possible…

- Qu’est-ce qui n’est pas possible ?

- Et bien… elle ne peut pas être vivan… Heu , elle ne peut pas être là !

- Et où devrait-elle se trouver ?

- Ça y est, je sais où je suis ! Mais c’est impossible… tout cela s’est passé il y a plus de trente ans ! Je ne comprends rien !

- Y-a-t-il quelque chose à comprendre ?

- Aaaah, et là ! Non, je deviens fou… C’est… c’est moi ! Comment puis-je être ici et là-bas, comment puis-je être en même temps jeune et âgé ?

- La folie joue peut-être effectivement un rôle là-dedans. Entendez-vous les cris, maintenant ?

- Non, non… je ne veux pas les entendre…

- Pourquoi ? Savez-vous ce que c’est ?

- Oui… je reconnais sa voix… c’est Judith, la patronne…

- Et que dit-elle ?

- Elle appelle Delphine, la petite fille, son enfant… elle la cherche….

- Savez-vous où se trouve Delphine ?

- Oui… mais je ne dois rien dire… sinon, ils vont me renvoyer … je ne veux pas retourner en prison… ce n’était qu’un accident…

- Un accident ?

- Je voulais juste… Mais je… Pourquoi est-ce que je réponds à vos questions ?

- Disons qu’en l’état actuel des choses, vous n’avez pas vraiment le choix. Donc, cet accident ?

- La petite…. Elle savait que c’était interdit… mais elle était toute petite, elle ne comprenait pas… elle l’a fait quand même… et moi, je devais les surveiller…

- Trop tard ? Pourquoi ?

- Elle s’est approchée trop près du chenil… elle a voulu caresser le chien à travers le grillage…. J’aurai dû être là pour l’en empêcher…

- Et ensuite ?

- J’ai entendu les cris… quand je suis arrivé, le chien tenait Delphine par le bras, il la secouait, il était comme fou… je suis entré dans le chenil… j’ai essayé d’appeler le chien mais y’avait rien à faire. Il tenait sa proie et ne voulait pas la lâcher. J’avais mon râteau de jardinier à la main, alors je me suis approché et j’ai tapé le plus fort possible sur la tête du chien. Ça a fait un grand craquement dans son crâne et il a lâché Delphine et il est tombé par terre. Il bougeait plus, et elle non plus, elle ne bougeait plus.

- Pourquoi vous n’avez pas appelé à l’aide ?

- C’était de ma faute… je devais surveiller le chenil, je savais que le chien était dangereux. Le maitre le préparait en secret… depuis plusieurs jours pour une chasse spéciale et il n’avait pas grand-chose à manger… la patronne n’était pas au courant que monsieur faisait ce genre de chose… il n’y avait que lui et moi…

- Qu’avez-vous fait ?

- J’ai eu peur… tout allait retomber sur moi… Et il s’est mis à pleuvoir… la peur, la pluie, le sang… J’étais comme dans un état second… J’ai ramassé Delphine et je suis parti avec elle dans les bois. J’ai marché, marché un grand moment, jusque dans la clairière aux Oiseaux. Je l’ai cachée sous un buisson. Il y avait du sang, beaucoup de sang. Je me suis enfui le plus loin possible…

- Vous n’avez pas essayé de l’emmener à l’hôpital ?

- Non, non, non. Pourquoi j’aurais fait ça ?

- Mais parce que rien ne dit qu’elle n’était pas seulement grièvement blessée !

- … mais, mais… comment ça ? C’est pas possible, non, c’est pas possible ! Je vous en supplie, aidez-moi, je veux juste sortir de ce cauchemar…

- Oui, je crois qu’il est temps en effet…



- Monsieur Pappermain, nous allons décompter à partir de quatre. Quand vous entendrez « Zéro », vous vous réveillerez… Quatre… trois… deux… un… zéro.



***

- Allo ? Madame Legrand ? Ici le commissaire Portier. Nous avons réussi à faire parler le suspect. Je suis désolé, en effet, comme l’a toujours laissé supposer la quantité de sang retrouvée à l’époque sur les lieux, il n’y a aucune chance que votre fille soit encore vivante. Cependant, nous pensons savoir où se trouve son corps. Une équipe est sur place, nous vous tiendrons au courant.

- …

- Effectivement, nous avons quelques éléments permettant d’envisager le déroulement des faits. Je peux vous assurer avec certitude que vous n’êtes responsable de rien. Delphine a échappé à votre surveillance mais vous ne pouviez pas imaginer la suite. Nous avons quelques recoupements à faire, au sujet desquels j’aurai certainement besoin de vos éclaircissements. Je reviendrai vers vous.

Myriam