Destination : 242 , Ailleurs par hasard


Sérendipité*

Il y a deux façons de faire des découvertes : par méthode et par hasard. Les premières sont le plus souvent issues d’une longue recherche, d’un travail intense et fourni. Les secondes… Les secondes, ce sont des bulles de champagnes pétillantes qui illuminent le regard au moment où on s’y attend le moins… et qui, parfois, changent totalement le cours des choses…

Depuis toujours, j’avais rêvé de vivre un de ces moments dans ma vie. Au fond, je crois que je n’avais fait des études que dans cette perspective : découvrir. Je ne cherchais pas forcément un trésor, du moins pas au sens de « richesse », mais plutôt quelque chose qui bouleverserait l’histoire. Un peu comme Christophe Colomb découvrant un nouveau continent en 1492, ou ce charpentier américain qui déclencha bien malgré lui la grande Ruée vers l’Or en 1848 ; ou encore ce berger qui tomba sur des jarres contenant les parchemins de la Mer Morte en 1947.

Déjà petite, dans la cour de récréation, je me passionnais pour les histoires de trésors secrets et dissimulés… Je cherchais les passages secrets, les portes dérobées, tapais sur les murs pour y découvrir un cachette mystérieuse dans laquelle une boite cartonnée, un tube métallique, un coffret de bois me dévoilerait son extraordinaire contenu… Mon histoire favorite était celle de ces trois enfants qui, cherchant à récupérer leur chien qui avait trouvé asile dans un trou, ouvrirent de grands yeux émerveillés sur les splendeurs d’ocre et de charbon à Lascaux, en 1940. Oh, que j’aurais aimé être l’un d’entre eux !

Plus tard, pendant mes années d’études, je fus fascinée par le récit de la découverte des pulsars et, par ricochet, la preuve de l’existence des trous noirs, par une étudiante américaine et son professeur, en 1967. Je faisais preuve d’une diligence extrême dans mes travaux pratiques, fantasmant que, derrière un détail qui me semblait anodin, se dévoilerait un contenu extraordinaire qui sauterait aux yeux d’un de mes enseignants.

Mais rien de tel ne se produisit. Faute de voir mon rêve s’accomplir, je me contentais d’une vie paisible et d’un travail ronronnant dans l’administration. Cependant, je ne désespérais pas : les coïncidences surprenantes n’étaient pas réservées à quelques-uns ; n’importe qui dans sa vie pouvait un jour en être le témoin. Ainsi ce pêcheur marseillais remontant dans ses filets la gourmette de Saint-Exupéry, en 1998 ou ces deux randonneurs alpins apercevant une momie préhistorique en 1990. Qui sait si, au cours d’une de mes marches dans la campagne, je ne tomberai pas un jour sur une pierre taillée, gravée de signes mystérieux ? La région était riche de légendes historiques qui ne pouvaient qu’entretenir ma passion. Il fallait juste que je reste attentive et que j’observe minutieusement les alentours à chacune de mes sorties pour ne laisser passer aucune opportunité. Et cela, je n’y manquais pas !

Le 2 septembre 2003, alors que je sortais de l’auberge pyrénéenne dans laquelle j’avais passé la nuit pour me diriger vers sentier de randonnée qui devait me mener jusqu’à la fameuse Brèche de Roland, en passant par Cirque de Gavarnie, je trébuchais sur un manche métallique que je n’avais pas vu. Je m’étalais de tout mon long et découvris deux pieds chaussés comme moi de solides godillots de marche. Levant la tête, j’aperçus deux yeux, mi-rieurs, mi-inquiets, qui se penchaient vers moi tandis que deux mains m’aidaient à me relever. C’est ainsi que je fis la connaissance d’Antoine, celui qui allait définitivement bouleverser ma vie. Comme moi, il était passionné d’histoire et de trésor, taraudé par l’envie de trouver peut-être, un jour, quelque chose, quelque part. Pour cela, il s’était même équipé d’un détecteur de métaux très puissant (sur lequel j’avais trébuché ce jour-là).

Depuis notre rencontre, nous ne nous sommes plus quittés. Nous nous sommes mariés, avons eu deux enfants que nous entrainons dès que possible avec nous dans de formidables chasses aux trésors improbables et… éternellement stériles. Mais qu’importe ! Notre passion commune égaye notre vie qu’elle emplit de rêves et de belles images. Et puis, finalement, c’est grâce à elle que nous avons tout de même trouvé le plus beau des trésors : l’Amour !



*La sérendipité est le fait de réaliser une découverte scientifique ou une invention technique de façon inattendue, à la suite d'un concours de circonstances fortuit : c’est le fait de « trouver par hasard des choses que l’on ne cherchait pas ».

Myriam