Destination : 93 , 100 % paroles


Tu m'avais promis que tu viendrais...

11h15.



- Tu m’avais promis que tu viendrais.

- … je sais… je suis désolée, je n’ai pas pu… pas eu la force, ni le courage.

- Et moi alors, tu crois que c’est facile pour moi, hein ? Tu crois que ça me plait d’y aller et de voir toute cette agitation ?

- Oui mais toi, tu as toujours été plus forte, plus dure aussi. Moi je ne supporte pas ce spectacle. Ça me bouleverse, ça me secoue, ça me retourne toute à l’envers. Et après…

- Après quoi ? C’est un peu facile tout ça ! Et c’est toujours le même refrain ! Sous prétexte que je suis l’aînée, je me dois de soutenir ma petite sœur !!! Mais bon sang, on a quarante ans, maintenant ! On est adultes, non ?

- …

- Oh ! Et ne te mets pas à pleurer en plus ! Ca me met hors de moi, comme quand tu faisais ton cinéma à maman pour ne pas te faire punir… remarque ça marchait plutôt bien !!! Mais en attendant, là, tout de suite, ce ne sont pas tes larmes de crocodile qui vont changer quoi que ce soit à la situation ! Et tu sais que j’ai raison, il faudra bien que tu y ailles toi aussi, tôt ou tard !





13h30.



- Allo ?

- Oui, c’est moi. Comment vas-tu ?

- Moyen. Et toi ?

- Mouais…. Bon, écoute. Je voulais m’excuser pour ce matin. J’ai été un peu dure avec toi.

- T’inquiète, j’ai l’habitude de tes coups de gueules ! Et puis, je te connais bien… je sais ce qu’ils cachent ! C’est ta façon à toi de ne pas montrer ta peine…

- C’est vrai. Tu sais, moi aussi ça me rend malade d’aller là-bas. Moi aussi, je voudrais pouvoir l’éviter. Des fois, je voudrais même m’enfuir loin d’ici… mais je suis terrifiée à l’idée que…

- Je sais. Moi c’est pareil, pourtant je n’arrive pas à faire le pas.

- Il le faut, sinon, tu le regretteras toute ta vie. Veux-tu que je passe te prendre demain ?

- Non, je te remercie. Je veux y aller seule. Tu avais raison tout à l’heure : je ne suis plus une gamine qui doit tenir la main de sa grande sœur !

- Comme tu veux. Appelle-moi si tu as besoin…

- Merci. Je t’embrasse.





18h20.



- Vas-y, entre !

- Surprise de me trouver là ?

- … heu… oui et non. Oui, parce-que je ne pensais pas que tu le ferais aujourd’hui et non, parce-que j’étais sûre que tu passerais me voir en sortant.

- Comment sais-tu que j’y suis allée ?

- Va à la salle de bain, regarde ta tête dans le miroir. Et profites-en pour prendre une douche chaude, va ! Moi ça me fait toujours un bien fou…

- …

- Alors, ça va mieux ?

- Oui. J’ai l’impression d’avoir laissé un peu de ce poids qui me brûle la poitrine …

- Assieds-toi, j’ai préparé un petit plateau de crudités et fromages. Je te garde pour dîner mais je te préviens, ça va plutôt ressembler à une becquée d’oiseau qu’à un réveillon. J’ai pas vraiment faim ces derniers temps…

- C’est pareil pour moi. En ce moment, la nourriture a du mal à passer. J’appelle Martin pour le prévenir que je reste chez toi… je peux dormir là ?

- Évidemment. Tu sais bien que la chambre de Léa est libre la semaine, elle est à la fac. Je te sers un verre ? Un petit vin blanc, doux, pour te câliner ou un rouge boisé pour te revigorer ?

- Va pour le rouge… ça me rappellera des souvenirs. Tu te souviens, le jour où … quand papa…

- Impossible d’oublier ça ! Quelle engueulade on s’est prise…

- …

- Tu sais quoi ? Je ne sais pas ce que je donnerais pour y revenir, à cette engueulade…

- …





22h45.



- Allo ?... Oui, c’est moi… Bonsoir… Ah ! … Oui… Bien sûr… non, ce n’est pas une surprise. Ma sœur m’a dit que vous l’aviez prévenue que c’était imminent… Vous avez raison. Vu les souffrances endurées ces derniers jours, c’est un soulagement. Y compris pour nous. Même si c’est dur… Merci mademoiselle. Nous viendrons demain matin, dès que possible…

- …

- Ben tu vois, cette fois, c’est moi qui pleure…

- Je sais pas quoi dire, je n’arrive pas à y croire, à imaginer que c’est possible…

- …

- On va se coucher ?

- Si tu veux.

- Tu sais ce que j’ai envie de faire ? J’aimerai qu’on dorme ensemble, comme quand on était petites et qu’on se cachait sous la couette en s’inventant des histoires pour se faire peur, …

- … en se racontant qu’on était deux orphelines.

Myriam