Destination : 223 , Censure soviétique


Le moment

Extraits de « La Belle vie », d’Elena Botchorichvili, p.64.

« On doit oublier que le héros est inventé, qu’il ne vit pas et n’a jamais vécu. Et il sera alors douloureux de l’abandonner, mort, par terre ou sur le papier, même si l’auteur annonce : c’est le bon moment…



… Mais est-ce que ça existe vraiment, le bon moment ? Dans la vraie vie, comme dans un roman, y-a-t-il vraiment un moment qui soit parfait, pour les grandes choses et les petits riens qui parsèment notre existence ?

Existe-t-il un bon moment pour faire un bébé ? Pour tomber amoureux ? Pour annoncer une maladie ? Pour avouer à un enfant que le père-noël n’existe pas ? Pour changer de vie ? Pour refaire sa vie ? Pour partir en voyage ? Pour vider son sac ? Pour poser ses valises ? Pour dire à quelqu’un qu’on l’aime ? Ou qu’on ne l’aime plus ? Pour se remettre en question ? Pour chercher des réponses ? Pour dire la vérité ? Toute la vérité ? Pour mourir ?

Peut-être qu’au fond, il n’existe pas de « bons » moments, pas plus que des « mauvais »…

Peut-être qu’au fond, il n’y a que des « instants » fragiles, fugaces ou pesants, qui nous font prendre telle ou telle direction sur le chemin de notre vie…

Peut-être qu’au fond, nous ne maîtrisons pas grand-chose de nous-mêmes, pas même cette aptitude savoir saisir ces instants sans doutes ni incertitudes…

Peut-être qu’au fond, nous ne sommes pas autre chose que les héros d’un roman écrit par nous-mêmes, se rassurant comme nous le pouvons en nous disant que « c’était le moment… »

Et, quand vient le moment ultime, le dernier des derniers, que reste-t-il de tous les autres, de tous ces instants qui l’ont précédé ? Des images vives ou décolorées ? Des instants de bonheur, des douleurs, des rires, des larmes… des regrets. Mais est-ce le moment ?



… Alors, voilà, c’est ici, c’est maintenant : jette ton passé dans l’océan : c’est le bon moment. »

Myriam