Destination : 370 , Réécrire une histoire


Le fils de Philip Meyer

Il me reste de ce livre une épopée vibrante, l’histoire d’un homme qui commence et finit dans une grande violence ; l’histoire d’un homme qui est aussi celle de la naissance des Etats-Unis, non pas en tant que pays mais en tant que nation. Une histoire dans l’Histoire, qui débute au Far-West et se termine chez les magnats du pétrole. John Wayne et J.R. unis dans une même lignée. Six cents pages pour raconter cent-cinquante ans.

Il me reste un souvenir étrange de ces heures de lecture. Une grande lucidité, et une grande confusion aussi. L’alternance entre siestes enfiévrées et lectures fiévreuses. Une vilaine grippe, allongée sur le canapé, un week-end hors du temps.

Il me reste le souvenir de cet enfant qui assiste, impuissant, au massacre de sa famille ; à la violence de ce passage et comment il constitue l’acte fondateur de tout le récit et de ce qu’il fera de sa vie par la suite. Accueilli chez les Indiens, où il est à la fois intégré et utilisé comme esclave, puis colonel intraitable pendant la guerre de Sécession et enfin, père exigeant et extrêmement dur avec son enfant.

Il me reste aussi les visages de mes enfants, alors petits, et un peu effrayés par cette maman qui était à la fois différente et semblable. Leurs gestes tendres, leur façon de venir s’allonger près de moi, de me parler doucement mais de crier entre eux pour une raison inconnue mais évidemment tout à fait sérieuse.

Il me reste les sentiments partagés avec les héros : la douleur, le chagrin, la colère, l’incompréhension, la résignation, la révolte, la vengeance. Des sentiments sombres, imprégnés de violence. N’y avait-il donc aucune joie dans ce livre ? – Mon esprit, en tous les cas, n’en garde aucune trace.

Il me reste de ces heures, la dolence du temps suspendu, entre rêve et réalité. Un souvenir lointain, en même temps flou et précis ; des images par vagues et des sensations en reflux. Le froid de l’hiver au-dehors, la douceur des flammes dans la cheminée, le feu de la fièvre en-dedans ; et, au-dessus de tout, mon impatience, ma soif de lire et de continuer ce récit extraordinaire.

Aujourd’hui, je ne sais toujours pas qui, de la fièvre ou du livre, a pris le dessus sur l’autre.

Myriam